Un peu moins présentes que l’an dernier, les galeries hexagonales profitent de ce rendez-vous majeur pour mettre en avant leurs artistes historiques, notamment ceux qui font l’actualité.
Dans le trio de tête des foires « reines », la Fiac s’installe désormais durablement. Et si Art Basel demeure indétrônable dans sa pole position, la foire parisienne a réussi, grâce à une métamorphose entamée depuis son installation dans l’écrin du Petit Palais, à s’imposer. Nombreuses sont les enseignes françaises à penser qu’elle a même pris la deuxième place, arguant de l’importance accordée par le comité de sélection au contenu et à la qualité du stand, et relevant la présence de collectionneurs plus réfléchis qu’à Londres.
Ce sont 42 galeries françaises contre 48 en 2014 qui participent à la Fiac. Pour autant, la proportion (25 %) reste inchangée, car le nombre total de galeries a lui-même chuté. « L’idée n’était pas de diminuer le nombre de galeries, mais de répondre dans la mesure du possible à la demande des marchands, qui est d’accompagner leurs artistes grâce à des espaces plus amples », explique la directrice de la foire, Jennifer Flay.
Pour la plupart des galeries, la Fiac est une vitrine, l’occasion de mettre en avant leur identité. C’est ainsi que Georges-Philippe & Nathalie Vallois, représentants des Nouveaux Réalistes, y exposent une sculpture de Jean Tinguely et une tôle de Raymond Hains du début des années 1960 à côté des nouvelles productions d’Henrique Oliveira, en écho à l’exposition consacrée à l’artiste brésilien dans leur galerie. Loevenbruck présente aussi des artistes historiques, en leur accordant plus de place que d’habitude. L’artiste psychédélique français très confidentiel Frederic Pardo et la sculptrice polonaise Alina Szapocznikow côtoient une installation de Daniel Dewar et Grégory Gicquel de 2015 ou une vitrine de Philippe Mayaux qu’on a pu découvrir dans l’exposition « Le surréalisme et l’objet » (2013-2014) au Centre Pompidou.
Un vent vénitien
« La Fiac est un moment important. Cela conditionne beaucoup la suite de notre saison », confie Michel Rein, dont le stand laisse une large place aux artistes français, reflétant là encore l’histoire de la galerie. Franck Scurti dialogue avec Raphaël Zarka, Didier Faustino ou encore Jean-Pierre Bertrand, dont une exposition est en cours à l’antenne bruxelloise. Donner une image de la galerie, tout en favorisant les artistes qui bénéficient d’une actualité importante, demeure une stratégie largement adoptée. Nathalie Obadia met ainsi à l’honneur Sarkis qui représente cette année la Turquie à la Biennale de Venise ou Lorna Simpson, également exposée à Venise, à l’Arsenal.
Le vent vénitien souffle aussi sur le stand de la Galerie Lelong qui montre un nouveau bronze de Jaume Plensa réalisé à partir d’une matrice en bois brûlé, que l’on peut aussi admirer à San Giorgio Maggiore, ou encore une peinture de Sean Scully dont l’intervention au Palazzo Falier a fait sensation. Les trois artistes exposés par Art : Concept sont sous les projecteurs : Jean-Michel Sanejouand est visible à la galerie ; Michel Blazy, qui propose des peintures évolutives sur plaque de plâtre, est à la Biennale de Lyon, et Hubert Duprat, au Palazzo Grassi à Venise.
En phase avec l’actualité parisienne, Kamel Mennour met en avant Anish Kapoor, présenté au château de Versailles, et Camille Henrot qui est montrée dans l’exposition « Une brève histoire de l’avenir », au Louvre, et à laquelle il a consacré son stand à Frieze. Réserver le solo show pour Londres et le group show pour Paris a aussi été le choix d’Almine Rech. Inspirée par l’exposition actuelle du Grand Palais « Picasso.mania », et prenant comme point de départ une série de Richard Prince liée à l’œuvre du maître, elle montre à la Fiac une grande peinture abstraite de Julian Schnabel, ou encore un Jean-Baptiste Bernadet, opérant un balayage chronologique des années 1950 à aujourd’hui. « Comme à Bâle, on établit un dialogue entre l’historique et le contemporain », souligne-t-elle. Perrotin donne à voir le spectre sud-coréen de sa programmation avec les peintres Park Seo-Bo et Chung Chang-Sup, lesquels ont bénéficié récemment de monographies au sein de la galerie. Marian Goodman mise sur le recherché et le monumental. « Nous avons construit le stand par rapport à l’expérience réussie de l’an dernier. Il y a une telle concurrence qu’il faut sortir des pièces exceptionnelles et rares », affirme Nicolas Nahab. Un miroir de Gerhard Richter côtoie un polyptyque des années 1990 d’Ettore Spalletti ou un « Vœu » d’Annette Messager des années 1980. Daniel Templon accorde une importance particulière aux œuvres inédites tout droit sorties de l’atelier. Il convoque Chiharu Shiota, représentante du Japon à la Biennale de Venise, ou Kehinde Wiley, dont la rétrospective tourne aux États-Unis.
À la galerie In Situ, Andrea Blum s’est vue confier l’aménagement des cimaises du stand. Un petit espace est aussi réservé au plasticien du son suédois Lars Fredrikson, exposé à la galerie à partir du 7 novembre.
Du côté des galeries émergentes, Jocelyn Wolff affiche sa marque de fabrique en présentant surtout des sculptures, en particulier de Katinka Bock. Isabelle Alfonsi, de la galerie Marcelle Alix, qui opte pour un solo show de la Canadienne Liz Magor, explique : « À notre niveau, c’est compliqué de montrer un stand avec des artistes dont la démarche n’est pas nécessairement accessible immédiatement. Un solo show rend les choses plus lisibles. » Jérôme Poggi propose un projet tout aussi radical en consacrant son stand à la prometteuse Kapwani Kiwanga qui revisite l’histoire de l’Afrique à travers celle de la vanité et de la nature morte.
Renforcer l’art moderne
« Depuis deux ans, Jennifer Flay essaie de renforcer le volet historique car cela donne un côté plus établi à la foire […]. Les collections deviennent de plus en plus mixtes. Certains modernes comme Picabia ou Duchamp touchent particulièrement les collectionneurs d’art contemporain, probablement parce que les artistes qu’ils collectionnent sont influencés par eux », souligne David Fleiss, de la Galerie 1900-2000. Celle-ci expose ses fondamentaux, Magritte avec une toile de 1928 jamais passée par le circuit commercial, un collage de Duchamp de 1916, des photographies de Man Ray et de Pierre Molinier.
Applicat-Prazan organise un solo show consacré à Maurice Estève, qui couvre en 24 toiles toute la carrière de l’artiste, de 1929 à 1994. « Plus le temps passe, plus l’accès aux œuvres de qualité des grands peintres de l’après-guerre est difficile, cher. Le marché n’a jamais été aussi demandeur, explique Franck Prazan. Tous mes nouveaux clients sont des jeunes gens, de moins de 45 ans, qui étaient collectionneurs d’art contemporain et qui depuis deux-trois ans rééquilibrent leur patrimoine avec des valeurs historiques. » Quant à la galerie Jaeger Bucher, qui fête ses 90 ans d’activité, elle mêle historique et contemporain, en écho à l’exposition-anniversaire sur les cinq éléments (air, eau, terre, feu, éther/métal) présentée dans les espaces de la galerie. De Giacometti à l’artiste chinois Yang Jiechang, en passant par Kandinsky et Dubuffet, c’est l’attachement de cette galerie presque centenaire à ses artistes qui est célébré.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La vitrine de leur ADN
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Le stand de la galerie Art : Concept / Grand Palais -
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°443 du 16 octobre 2015, avec le titre suivant : La vitrine de leur ADN