PARIS
Malgré la rareté de l’offre, les prix de la sculpture ancienne sont suffisamment bas pour attirer de nouveaux collectionneurs.
Le marché de la sculpture ancienne reste un marché de niche (environ 10 % du marché global) qui s’adresse à des collectionneurs fins connaisseurs. Appartenant comme la peinture au domaine des beaux-arts, elle a toujours été plus confidentielle, moins facile à appréhender. « À la louche, il y a un sculpteur pour cinquante peintres. C’est un art de commande, assez officiel, qui demande beaucoup de travail, de matière et qui coûte cher », explique Alexandre Lacroix (cabinet Sculpture & Collection). Par ailleurs, les pièces étant fragiles, beaucoup de terres cuites et de plâtres ont été cassés, perdus, tandis que nombre de bronzes ont été fondus à la Révolution. « Aussi, il y a peu de marchandises. Cependant, les acheteurs très collectionneurs et souvent très riches répondent présents quand une belle pièce apparaît sur le marché », commente l’expert.
Un marché de niche en volume et en valeur. Si le record absolu en la matière est un Atlas d’Adriaen de Vries, (1626), vendu 25 millions d’euros chez Christie’s en 2014, « les prix ont tendance à plafonner à 3 ou 4 millions d’euros, essentiellement pour les œuvres de Giambologna (1529-1608) qui figurent en nombre et sont très recherchées », affirme Alexandre Lacroix. Une Allégorie de l’Architecture (vers 1600), d’après cet artiste, a d’ailleurs été adjugée 3,7 millions d’euros chez Artcurial, en mars dernier, alors qu’en décembre, L’Enlèvement d’une Sabine (vers 1590-1610), un bronze de la collection de Louis XIV attribué à Antonio Susini, d’après Giambologna, a été préempté pour 4,5 millions d’euros par le château de Versailles, chez Sotheby’s Paris.
L’année 2019 a été particulièrement florissante pour la catégorie, avec, de surcroît, la vente d’un buste en bronze attribué à Francesco Bordoni, représentant Paul Phélypeaux, seigneur de Pontchartrain, adjugé 3 millions d’euros à Drouot, en novembre. Autres prix notables de ces dernières années : un Buste de la Paix, d’Antonio Canova vendu 6 millions d’euros par Sotheby’s Londres, en 2018, ou encore un Buste « à l’antique » représentant Charles Frédéric de La Tour du Pin par Edme Bouchardon (1698-1762), adjugé 3,7 millions d’euros en 2012 (Aguttes).
Se portant plutôt bien, le marché évolue doucement mais sûrement, grâce à l’avancée des recherches. « Auparavant, l’absence de connaissance lui était préjudiciable, mais grâce aux publications, colloques et expositions sur le sujet, la courbe des prix est assez parallèle à l’augmentation des connaissances », rapporte Alexandre Lacroix. Pour l’expert Albéric Froissart, c’est justement le manque de connaissances qui fait que « le marché est pipeauté et que les prix restent anormalement bas, en dehors des grands noms qui sonnent ». Et d’ajouter : « C’est le moment d’acheter ! Aujourd’hui, il est encore possible de monter la plus belle collection au monde pour pas cher. À partir de 50 000 euros, on peut avoir un chef-d’œuvre. »
Le marché de la sculpture se divise en plusieurs sous-marchés. Et si la clientèle est mondiale – Américains, Anglais, Allemands, Français, avec quelques Italiens à la marge –, à chaque catégorie correspond un type particulier de collectionneurs. Les bronzes du XVIe, XVIIe et XVIIIe, les bronzes italiens et Louis XIV sont très recherchés par des collectionneurs pointus particulièrement actifs, qui ne laissent rien passer. Pour la sculpture française du XVIIIe (bustes en terre cuite, sculptures de Clodion, Augustin Pajou, sujets tirés de la mythologie…), « c’est un autre groupe de collectionneurs qui, en général, collectionnent aussi les dessins et peintures », précise Alexandre Lacroix. La sculpture du XIXe, plus fournie en marchandises, concerne quant à elle un éventail d’acheteurs beaucoup plus vaste. Le bois se rattache globalement à la Haute époque et à la sculpture religieuse – touchant des clients allemands et anglais –, tandis que la sculpture décorative, tels que les marbres, les grandes statues d’après l’Antique ou d’après des modèles connus, fonctionne assez bien du fait d’un effet spectaculaire. Cependant, « ce sont les bronzes Renaissance et la sculpture charmante du XVIIIe en terre cuite qui ont les faveurs du public », consent Alexandre Lacroix.
Côté marchands, peu sont spécialisées dans la catégorie. À Paris, il en existe moins d’une dizaine – Patrice Bellanger en moins (disparu en 2014) –, tandis que Londres abrite deux marchands renommés : Daniel Katz et les frères Tomasso. « C’est un domaine dur à comprendre, confronté à la rareté des œuvres : il y a environ cent tableaux cédés pour une sculpture vendue ; cela explique qu’il y ait moins de marchands spécialisés », explique Olivier Trebosc (galerie Trebosc & Van Lelyveld, Paris). Selon lui, le marché oscille : « Il y a des périodes plus difficiles que d’autres. Là, je viens de rentrer quatre pièces en peu de temps, une bonne nouvelle. » Il ajoute : « Un salon comme Fine Arts fait du bien à la sculpture, car les gens voient que l’on peut la marier facilement à la peinture. »
Pour autant, ce marché peut encore se développer. « Il est encore à construire. De nombreuses découvertes restent à faire, beaucoup de pièces étant encore en main privée », indique Albéric Froissart, avant de préciser : « Si l’on souhaite rassembler une collection d’exception, choisir le domaine de la sculpture est le choix le plus judicieux qui soit. »
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La sculpture ancienne, un marché en devenir
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°538 du 31 janvier 2020, avec le titre suivant : La sculpture ancienne, un marché en devenir