BRUXELLES / BELGIQUE
Très fréquentée cette année malgré les intempéries – elle a battu son record de fréquentation de l’an dernier –, la foire belge ne s’est pourtant pas déroulée dans un climat d’euphorie générale.
Bruxelles. La première foire de l’année a refermé ses portes le 3 février sur un bilan mitigé : d’un côté, le nombre de visiteurs a dépassé – de peu – le chiffre record de l’an passé (66 000 contre 65 000 en 2018) ; de l’autre, les exposants ont relevé une certaine frilosité de la part des acheteurs. Sans doute, le ralentissement économique annoncé pour l’année 2019 n’y est pas étranger, sans parler du recul de plus de 18 % de la Bourse de Bruxelles pour l’année écoulée, du Brexit, de l’instabilité du gouvernement fédéral… Et quand les clients se méfient des perspectives à venir, préférant garder leur argent au chaud plutôt que de le dépenser, l’impact sur le marché de l’art s’en ressent immédiatement. Aussi, même si les exposants ont tous affirmé avoir vendu, ils ont jugé les transactions un peu plus lentes que les années passées, et constaté une baisse des achats impulsifs, au profit d’acquisitions plus réfléchies. « Ce n’était pas l’euphorie », a noté Antoine Lorenceau (galerie Brame & Lorenceau, Paris), qui venait pour la première fois. « Il est vrai que, vu le contexte économique incertain, les clients étaient un peu plus frileux », a renchéri Harold t’Kint de Roodenbeke, président de la manifestation. Pourtant, même en pleine journée, les allées n’étaient jamais vides et le flux était continu.
Le public, les exposants étaient nombreux à le qualifier de « curieux et connaisseur ». Mais il était essentiellement européen, issu en grande partie des pays frontaliers :« Nous n’avons pas vu de Chinois ni d’Américains », a indiqué le galeriste belge Oscar De Vos.
Si une poignée de marchands ont affirmé que c’était leur « pire Brafa », quasiment tous ceux qui ont été ici consultés ont concédé avoir vu partir les pièces qui affichaient des prix en dessous de 100 000 euros, dans une fourchette de prix compris en moyenne entre 10 000 et 30 000 euros. La galerie Steinitz (Paris) a indiqué avoir vendu plusieurs pièces, dont un bronze attribué à Jacopo Sansovino, XVIe siècle et une paire de consoles, tandis qu’un bureau plat estampillé « Cressent » était réservé. La galerie londonienne ArtAncien, qui venait pour la première fois, avait particulièrement soigné son stand. Plusieurs points rouges y figuraient, témoignant par exemple de la vente d’une Tête archaïque d’un roi, calcaire, Chypre, VIe siècle av. J.-C.
À la galerie Berger (Beaune), ce sont une douzaine de pièces qui ont été emportées, pour des prix allant de 20 000 à 50 000 euros, dont une paire d’appliques à trois bras de lumière en bronze doré attribuées à Philippe Caffieri, époque Louis XV, ainsi qu’une paire de canapés d’angle estampillés « Jacques Chenevat », époque Louis XV. « On aurait pu les vendre dix fois ! », a commenté Alain Berger. Quant à la maison Rapin, qui revenait après dix ans d’absence, elle a cédé une quinzaine d’objets pour des prix compris entre 5 000 et 30 000 euros.
Belle surprise pour la peinture ancienne, pourtant peu présente sur la foire belge, puisque les marchands ont constaté un certain dynamisme. « C’est une de mes meilleures années », a confié Klaas Muller, qui s’est dessaisi d’une Judith et Holopherne, atelier de Cristofano Allori (1577-1621), ainsi que d’une Scène de village de David Vinckboons (1576-1629) et d’un portrait de saint André, vers 1625, par Jacob Jordaens. Cédric Pelgrims de Bigard, directeur de la galerie Costermans (Bruxelles), a confié avoir vendu, entre autres, une œuvre de Joos de Momper et Jan Brueghel l’Ancien, tout en relevant que « les clients étaient un peu attentistes, compte tenu du contexte économique». « Mais j’ai le sentiment qu’ils voient la peinture ancienne comme une valeur refuge », a-t-il poursuivi. Une bonne édition également pour la galerie parisienne Florence de Voldère, spécialisée dans la peinture des écoles du Nord.
Des pièces importantes ont toutefois trouvé preneur comme chez Charles-Wesley Hourdé, dont c’était cette année la première participation : si le marchand parisien a cédé une statue Konso (Éthiopie), XIXe, aux alentours de 30 000 euros, il a également vendu sa pièce majeure, un masque d’épaule Baga (1 million d’euros), alors que chez Harold t’Kint de Roodenbeke c’est une huile de petit format de Soulages de 1959 (entre 800 000 € et 1 M€) qui a changé de mains. Tandis que la galerie londonienne Stern Pissarro avait une offre pour son Delvaux (Le Balcon, [voir ill.], 1948, autour de 2,8 M€). « Nous n’avons pas apporté de Pissarro cette année – beaucoup de visiteurs étaient déçus –, et malgré tout, nous avons bien vendu », a précisé Lélia Pissarro.
À la galerie Oscar De Vos, la pièce phare, La Faneuse, 1896, d’Émile Claus, a vite trouvé un acquéreur (plus de 1 M€), quand la galerie Huberty & Breyne (Paris), spécialisée dans la BD, a cédé la couverture du Fantôme espagnol, de Willy Vandersteen, une encre de Chine sur papier réalisée en 1952 pour la première aventure de Bob et Bobette (450 000 €). Enfin, le Corset de Frida Kahlo (vers 1950, plâtre, 2 M€), certainement la pièce phare de cette 64e édition, présentée par la galerie Sofie Van de Velde (Anvers), était en négociation, deux musées américains étant intéressés.
Marianne Rosenberg (Rosenberg & Co., New York), qui montrait deux rares dessins (75 000 € chacun) de l’artiste hongrois Joseph Csáky (1888-1971), s’est dite, elle, satisfaite de sa première participation et du public rencontré. « Oui, j’ai vendu, mais je ne préciserai pas quoi, à qui et combien… » En effet, soucieux de ne pas voir repris dans la presse le prix de l’œuvre qu’ils ont acquise, les acheteurs demandent instamment à leur vendeur de ne pas révéler de chiffres. Aussi, les marchands sont de plus en plus discrets sur les transactions. « Maintenant, dès que l’on cherche le titre d’un tableau sur Internet, le prix auquel il s’est vendu s’affiche, même deux ans après. Internet mémorise tout et on ne peut rien effacer », a expliqué Cédric Pelgrims de Bigard (galerie Costermans).
Dernier point noir relevé par une très large majorité de marchands : la durée de la manifestation est bien trop longue. « Entre la mise en place du stand et le démontage, c’est presque trois semaines ! », déplorait l’un d’eux.
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À la Brafa 2019, des collectionneurs plus frileux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°517 du 15 février 2019, avec le titre suivant : À la Brafa 2019, des collectionneurs plus frileux