NEW YORK / ETATS-UNIS
La galerie Perrotin à New York expose le street-artiste français, célèbre pour ses collages monumentaux du 28 juin au 17 août.
Son éternel chapeau sur la tête, l’artiste JR a retiré ses lunettes de soleil le temps d’une rencontre pour parler de sa première exposition new-yorkaise en solo show sur deux étages de la galerie Perrotin.
Votre exposition s’appelle « Horizontal », pourquoi avoir choisi ce nom ?
Déjà, toutes les images de l’exposition sont horizontales. J'avais aussi envie de montrer ma manière de travailler. Quand je pars à un endroit, je travaille toujours de manière « horizontale » avec les gens sur place, en fonction des différents contextes. C'est-à-dire que je décide avec eux, on décide ensemble, de ce qu’il va se passer. Ce sont eux les commissaires de l'installation, vu que je travaille souvent sans autorisation. Il y aussi cette idée d'horizontalité entre des projets qui sont parfois séparés par dix ans et qui restent dans le même axe, dans la même linéarité.
Dans une performance avec Alicia Keys pendant la soirée de vernissage, vous avez choisi de mettre l’accent sur vos œuvres réalisées à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis en automne dernier : une installation de vingt mètres d’un enfant mexicain et un pique-nique géant autour du regard d’une femme, qui traverse le mur de démarcation. Qu’est-ce qui vous a donné envie de parler de ce projet en particulier ?
C'est le projet le plus récent. On n’avait jamais montré les images du making-off. Ça permet de raconter les petites histoires derrière l'œuvre. Le fait de pouvoir manger avec peut-être 80 ou 100 personnes, comme ça, en oubliant le mur le temps d'un déjeuner, c'est un souvenir fort. D'être derrière le mur, de ne pas pouvoir passer de l'autre côté, et de voir cette femme qui a prêté ses yeux au projet, Mayra, qui est une « dreamer » et qui techniquement n'avait pas le droit d'être là - surtout que le pique-nique avait été interdit par les border patrols - parler avec l’agent de la patrouille qui était venu pour arrêter le pique-nique et qui, au final, a partagé le thé avec moi et a parlé avec elle, ce sont des souvenirs que je n'oublierai jamais.
J'aurais pu choisir n'importe quelle œuvre de l'exposition, il y une histoire extraordinaire derrière à chaque fois. Ce sont des projets qui ne s'écrivent pas à l'avance mais qui s'écrivent en se faisant. C'est comme quand on passe des journées un peu plus spectaculaires quand on ne se donne pas de planning et qu'il nous arrive des choses qui n'étaient pas prévues. Si tout était planifié, ça ne donnerait pas naissance à des surprises comme ça.
Vous qui travaillez sur des œuvres monumentales, comment percevez-vous votre travail exposé ici à taille humaine ?
C’est en réalité la façon dont je vois les projets construits depuis l'atelier. Les gens ne peuvent voir que l'œuvre finie alors qu'en fait, on passe par tous ces processus, on doit faire des tests grandeur nature ou à l'atelier, des tests avec différents calques… Comme je ne fais jamais visiter mon atelier, ça me permet de montrer tous mes plans, mes esquisses, de pouvoir montrer, à échelle miniature, la façon dont les grandes œuvres se font. On a collé un bateau de 360 mètres [au Havre en 2014 avec le regard d’une jeune femme africaine, ndlr], l’idée, c’est que l’on puisse le regarder, tourner autour et l'observer. Ce que j'aurais rêvé de faire mais il aurait fallu un hélicoptère ! Les œuvres sont éphémères, celles que j'installe dans la rue ne sont même pas signées. Aucune trace n'en restera. Ce que je présente ici, ce sont les seules traces physiques qui vont rester de ces différents projets.
Vous avez également réalisé deux immenses installations à l’extérieur de la galerie : une le long de la façade et un œil sur le sol du rooftop de l’immeuble, que l’on ne peut voir que du ciel. Comment négociez-vous avec Emmanuel Perrotin pour installer ces œuvres qui ne sont pas commercialisables ?
C'est quelque chose qu'il a toujours compris dans mon travail : 99 % de ce que je fais n'est pas commercial. C'est pour ça que toute une salle est consacrée à des œuvres vidéo et qu'il y a des œuvres gigantesques. Dans la première expo qu'on a faite ensemble à Paris, la plupart des œuvres n'étaient d’ailleurs même pas à vendre. L'idée ici, c’était presque de monter une exposition muséale, pour que les gens viennent juste y passer du temps.
Quel est votre prochain projet ?
Ça sera un très grand projet sur des fresques comme celle que j'ai faite à Montfermeil sur Les Bosquets [une cité en Seine-Saint-Denis, ndlr] et qui représente tout le quartier, du maire jusqu'au dealer, au vendeur de sacs, aux gens qui ont fait des émeutes ou ceux qui ont construit de nouveaux quartiers… C'est sur ce type de fresques, inspirées d’Orozco et de Diego Rivera, que j'ai travaillé pour le Brooklyn Museum, pour le SFMOMA et d'autres sont à venir dans l'année. C'est peut-être mon plus gros projet à date.
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JR : « Mes projets s'écrivent en se faisant »
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