La monographie consacrée à Jean René, qui sort au moment d’une exposition de l’artiste dans une galerie commerciale, agace parfois par les omissions et approximations.
« L’art peut-il changer le monde ? » L’interrogation n’est pas nouvelle, mais le titre du livre consacré à l’artiste l’artiste JR, comptant parmi les plus populaires au monde n’est pas sans positionner ni interroger d’emblée les différentes installations photographiques éphémères et participatives de l’artiste de par le monde. En particulier dans le contexte actuel, marqué par le retournement de certains discours politiques face aux réfugiés syriens, après la diffusion de l’image du corps du petit Aylan Kurdi échoué sur une plage turque.
Dès Portrait d’une génération, série réalisée à la cité des Bosquets à Montfermeil (Seine-Saint-Denis) en 2005, JR a pensé ses collages de portraits géants en plan rapproché in situ, tels des catalyseurs d’émotions, d’échanges et de rassemblements. Il cherche ainsi à marquer les esprits, tout en apportant un autre éclairage que celui des médias sur une communauté de personnes, qu’elles appartiennent à une cité, à une favela, à un bidonville. Depuis, il n’a cessé de placer la figure humaine, le regard, ses expressions au cœur d’un dispositif. Un procédé qui a évolué au fil de ses interventions, menant l’artiste à un succès international qui ne se limite pas aux jeunes. Les institutions lui passent désormais commande, comme récemment le New York City Ballet, pour lequel il a mis en scène l’histoire des Bosquets et les émeutes des banlieues de 2005 dans un moyen-métrage.
Dix ans après cette intervention dans cette cité de Montfermeil qui a marqué le début de la carrière de JR, la monographie éditée par Phaidon – la première réalisée sur l’ensemble de son travail – revient donc chronologiquement sur le développement de ses installations photographies. Le parti pris de cet ouvrage est clair : s’adresser au plus grand nombre. Chaque projet se développe et s’enchaîne sur le même principe : un texte court en introduction portant sur sa raison d’être, ses particularités et son évolution, suivi d’une illustration en images accompagnées de légendes explicatives. La bande dessinée de Joseph Remnant, placée en ouverture de la monographie, parcourt à grands traits l’itinéraire et les réalisations du jeune tagueur passé à la photographie, sans toutefois que ne soit consacré aucune ligne sur l’artiste et illustrateur américain.
Jean René alias JR
On ne trouvera pas davantage de notice sur Nato Thompson, qui revient, lui, plus précisément sur l’itinéraire et les raisons d’être des différentes interventions de JR éclairées de textes explicatifs de chaque projet, non sans donner parfois l’impression de se répéter. L’analyse de Nato Thompson, conservateur en chef de Creative Time et organisateur new-yorkais de projet d’art public, reste à cet égard sommaire, expliquant à grands traits « les rouages financiers » nécessaires à la réalisation de chaque projet. Le projet de JR et d’Agnès Varda, dont le financement via KissKissBankBank a soulevé questions et critiques en juin dernier, n’est cependant à aucun moment abordé. Quant au vrai nom de JR – Jean René –, il n’apparaît nulle part, pas plus que dans la biographie n’est donné précisément son lieu précis de naissance, lié ici comme souvent à la banlieue parisienne.
Des approximations recherchées et agaçantes, que l’on retrouve au sujet de l’histoire de l’appareil photo trouvé dans une station de RER, sans que ne soit raconté le rôle joué au préalable par le premier appareil photo offert par son grand-père. Des détails dira-t-on, mais qui en disent long sur la construction de l’image d’un artiste qui a déplacé l’usage et la pratique habituels du portrait photographique en reprenant aussi certains codes de la publicité. La réalisation et la date de parution de cette monographie, qui aurait pu être plus imaginative dans sa forme, ne doivent enfin rien au hasard. Elle correspond en France à l’exposition « Decade portrait d’une génération » à la galerie Perrotin, qui présente les dernières créations de JR. L’artiste s’avère bien plus convaincant dans ses interventions dans le champ public que dans sa production d’œuvres, où la symbolique de la danseuse à tutu blanc sur fonds de barre de Monfermeil, dix ans après les émeutes, apparaît bien facile. Il n’en reste pas moins qu’elle rassemble. Il suffisait de voir la quantité de monde – de jeunes surtout – qui se pressait dans la galerie le jour de l’inauguration.
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JR, sa vie, son œuvre
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Abonnez-vous dès 1 €Phaidon, relié, 304 pages, 500 illustrations couleur et noir et blanc, 49,95 €. Disponible en version anglaise le 12 octobre 2015.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°442 du 2 octobre 2015, avec le titre suivant : JR, sa vie, son œuvre