Art déco

Du lux dans l’Art déco

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 5 septembre 2012 - 849 mots

Outre leur fonction utilitaire, les luminaires des années 1920-1930 s’apprécient aussi comme des sculptures. L’intérêt des collectionneurs électrise le marché.

Avec le développement progressif de l’électricité au début du XXe siècle, la période Art déco s’est dotée d’un répertoire totalement nouveau. Car tout était à inventer en matière de luminaires : lampes, lampadaires, plafonniers, appliques, veilleuses… Les grands créateurs de l’époque ont façonné des modèles, en traduisant dans leurs luminaires les dessins et matériaux qu’ils choyaient pour leurs meubles. Ce qui a rendu leurs créations artistiquement tout à fait identifiables. Un lampadaire en bronze d’Armand Albert Rateau, une lampe moderniste en alpaca réalisée par Eckart Muthesius pour le palais du Maharadja d’Indore (Inde), une lampe africanisante ou bien un lampadaire en métal d’Eileen Gray, un modèle « Religieuse » de Pierre Chareau ou encore une paire d’appliques en bronze et en albâtre par Émile-Jacques Ruhlmann font partie des icônes du genre, très recherchées.

La cote des luminaires est directement liée à celle des créateurs. L’originalité et la rareté des modèles sont aussi à prendre en compte. S’agissant de Ruhlmann, les prix démarrent à 50 000 euros pour une paire de lampes. Il faut compter environ 500 000 euros pour une lampe de table « œuf » (1922) à coiffe lumineuse, en verre blanc soufflé, satiné et dépoli, de Pierre Legrain, associé au travail de Gustave Miklos pour la base carrée taillée de pans coupés en métal argenté, ornée d’un décor géométrique d’émaux champlevés turquoise, noir, blanc, bleu roi et jade.

Les prix peuvent grimper très haut. Ainsi un lampadaire aux oiseaux (vers 1920) de Rateau, en bronze à patine vert antique, albâtre, ivoire, a été adjugé 1,8 million d’euros à un amateur américain, lors de la vente de la collection Dray, le 8 juin 2006 à Paris chez Christie’s. Le record revient à une importante suspension « Satellite » (vers 1925) d’Eileen Gray, en aluminium peint de couleur ivoire, composée de trois anneaux plats superposés par ordre croissant montés en alternance avec trois réflecteurs coniques à gradins superposés par ordre décroissant. Cette suspension qui faisait partie de l’historique collection Saint Laurent-Bergé dispersée à Paris au Grand Palais par Christie’s en février 2009, a été emportée pour 2,9 millions d’euros.

Un succès constant
« Le luminaire s’est toujours bien vendu, malgré les crises du marché de l’art. C’est une constante, rapporte le spécialiste Jean-Marcel Camard. Il y a toujours un amateur qui a besoin d’une paire d’appliques ou d’une lampe, ou qui se laisse tout simplement séduire par la beauté sculpturale de ces objets. » Au milieu des années 1980, la maison Camard avait organisé avec succès des ventes aux enchères essentiellement consacrées aux luminaires. La marchandise se raréfiant, les ventes se sont arrêtées, au profit de vacations plus généralistes sur les Arts décoratifs. « Le luminaire Art déco est l’objet de charme par excellence.

Les acheteurs fonctionnent au coup de cœur. Il est rare qu’une lampe que je viens de vendre à un client ait une place définie avant de faire trois fois le tour de sa maison, observe le marchand parisien Michel Giraud. Le prix d’un luminaire n’est généralement pas un problème pour les amateurs d’Art déco. C’est un peu comme acheter une belle paire de chaussures ou un sac à main quand on possède une tenue de haute couture. » Alors qu’en 2010 à la Biennale, Michel Giraud avait exclusivement éclairé son stand avec des luminaires diffusant une lumière douce, il réalise cette année une mise en scène sans luminaire, comptant sur des spots en complément d’un peu de lumière du jour grâce à des ouvertures. « J’aurais bien montré une belle paire de plafonniers modernistes de Jacques Le Chevallier, mais cela n’allait pas avec mon décor de Biennale. Il faut une proposition cohérente », s’est-il résolu.

La paire de plafonniers a donc été installée dans la vitrine de sa galerie, où il espère bien qu’elle se fera remarquer. L’une des pièces vedettes de la galerie Mathivet qui participe pour la première fois à la prestigieuse foire parisienne est une lampe de Rateau en bois sculpté et doré (vers 1920). Il s’agit d’un modèle similaire à la lampe utilisée dans la loge d’actrice de la couturière Jeanne Lanvin pour l’Exposition des Arts décoratifs de 1925. La galerie parisienne reconstitue cette loge pour l’occasion. « Et contrairement aux idées reçues, la lampe conservée au musée des Arts décoratif de Paris dans l’espace consacré à Lanvin et Rateau, variante de celle que nous présentons, n’est pas en bronze mais également en bois doré, souligne Céline Mathivet.

L’intérêt de ce grand décorateur des années 1920 portait essentiellement sur la sculpture sur bois où il pouvait exprimer au mieux son sens exacerbé du détail ». Mais le stand le plus éblouissant, par son choix de luminaires exceptionnels, reste celui de Cheska Vallois. L’antiquaire propose une lampe d’Eileen Gray (vers 1920) au pied en ivoire sculpté avec son abat-jour d’origine en tissu, laquelle a appartenu personnellement à la décoratrice, une paire de lampadaires d’applique par Eckart Muthesius pour le palais d’Indore, un lampadaire en bronze de Rateau,deux grandes appliques en bronze argenté et en albâtre par Ruhlmann, ainsi que des lampes en obsidienne taillée de Jean-Michel Frank et des lampes en bronze doré d’Alberto Giacometti. Dans une ambiance de « lux », calme et volupté.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°374 du 7 septembre 2012, avec le titre suivant : Du lux dans l’Art déco

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