NEW YORK / ETATS-UNIS
La forte médiatisation entourant la collection Peggy et David Rockefeller pourrait bien s’avérer payante pour Christie’s, qui s’apprête à disperser un ensemble rare, tant en qualité qu’en quantité.
New York. Annoncée en novembre dernier, la dispersion de la collection Rockefeller par Christie’s du 8 au 10 mai à New York pourrait bien battre tous les records. Le pedigree en or allié à un volume important de pièces, qui plus est « fraîches » sur le marché, dont certaines estimées à plusieurs millions de dollars pourraient faire voler en éclats les scores obtenus par la collection Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent (342,50 M€ en 2009) et celle d’Alfred Taubman (382,40 M€ en 2016).
L’événement – clin d’œil à l’histoire – se déroule dans les locaux new-yorkais de Christie’s installés au Rockefeller Center : ce vaste complexe immobilier n’est autre que la réalisation du grand-père de David Rockefeller, l’industriel John Davison Rockefeller, fondateur de la dynastie mythique dont la fortune s’est bâtie sur la création en 1870 de la compagnie pétrolière Standard Oil (devenue Esso puis Exxon-Mobil). Décédé en 2017 à l’âge de 101 ans, David Rockefeller – président de la Chase Manhattan Bank jusqu’en 1981 – était l’héritier d’une immense collection d’art composée de mobilier, tableaux, objets d’art, art asiatique, céramiques… qu’il n’a cessé d’enrichir pendant quarante ans avec son épouse Peggy, disparue en 1996. Le couple avait un véritabe œil de collectionneur : « leur collection est classique-moderne avec quelques incursions dans l’art contemporain », souligne Jonathan Rendell, vice-président de Christie’s Amériques. Également philanthrope, David Rockefeller a été un grand donateur auprès de musées américains, notamment du MoMA, que sa mère avait fondé. Aussi, « pour respecter le souhait de Peggy et David de poursuivre leur œuvre philanthropique, leurs héritiers dispersent aux enchères cette collection dont l’intégralité du produit de vente sera reversée à douze organismes caritatifs », précise le vice-président.
L’événement, hors norme, a mobilisé une importante équipe pour inventorier toutes les pièces réunies en 1 600 lots, eux-mêmes répartis en quatorze vacations : six en salle et huit en ligne. L’estimation globale avancée est de 500 millions de dollars, mais elle avoisinerait plutôt les 700 millions, puisque l’une des deux ventes du soir dispose déjà d’une estimation haute de près de 600 millions. Alors, pour cette dispersion exceptionnelle, Christie’s a mis les petits plats dans les grands : marketing agressif, magazine spécial, vidéos…, le tout couronné par une exposition itinérante de six escales, soit Hongkong, Londres, Paris, Los Angeles, Pékin, Shanghaï, pour finir par New York où tous les lots sont exposés jusqu’au 8 mai.
Les festivités débutent le soir même avec une vente consacrée à l’art des XIXe et XXe siècles. Composée de 44 lots, la vacation possède l’estimation la plus élevée de la session, soit 474 à 598,64 millions de dollars. Elle rassemble notamment les tableaux impressionnistes et modernes du couple, féru d’avant-garde. Lot le plus chèrement estimé de la semaine, Fillette à la corbeille fleurie, 1905, de Picasso pourrait se vendre entre 90 et 120 millions de dollars. Ce tableau, œuvre précoce du maître, a appartenu à Gertrude Stein avant d’être acquis en 1968 par les Rockefeller. Il n’a jamais été vu depuis. « C’est une des rares peintures où Picasso exprime de vrais sentiments. On peut lire sur le visage de la jeune fille la lutte de la vie quotidienne, que Picasso connaissait si bien avant d’être un maître reconnu », commente Jonathan Rendell. Autre pièce star, Nymphéas en fleur, vers 1914-1917, de Monet (est. 50 à 70 M$) acquise en 1956 sur recommandation d’Alfred Barr, premier directeur du MoMA, à la galerie parisienne de Katia Granoff ; Odalisque couchée aux magnolias, 1923, de Matisse (est. 70 à 90 M$), qui pourrait battre le précédent record de l’artiste français détenu par Nu de dos, un bronze adjugé 48,8 millions de dollars chez Christie’s New York en novembre 2010. Signalons également Tigre jouant avec une tortue, 1862, de Delacroix (est.5 à 7 M$). L’autre vente du soir, organisée le lendemain, regroupe l’art des Amériques, soit 41 lots pour une estimation de 45 à 67 millions de dollars. En tête d’affiche, Cape Ann Granite, 1928, d’Edward Hopper (est. 6 à 8 M$), mais aussi des œuvres de Georgia O’Keeffe ou encore Willem de Kooning.
Deux vacations sont dévolues au mobilier européen et anglais, céramiques et objets de décorations, dont l’une comprend le service à dessert Marly rouge, 1809, commandé par Napoléon pour le château de Compiègne, mais livré à Fontainebleau (est. 150 000 à 250 000 $), tandis que la semaine s’achève avec une vente consacrée aux arts extra-européens et à l’archéologie – objets ramenés de voyage par les Rockefeller toutes générations confondues. Parmi les pièces remarquables, un bronze doré représentant Amitayus, Chine, période Kangxi (1662-1722), estimé 400 000 à 600 000 dollars.
« Nous n’avons pas de boule de cristal mais nous espérons que cette collection dépassera Saint-Laurent et Taubman, principalement à la lumière du travail philanthropique des Rockefeller », conclut le vice-président.
La collection de Peggy et David Rockefeller,
du 8 au 10 mai pour les ventes en salle et du 1er au 11 mai pour les ventes en ligne, 20 Rockefeller Plaza, New York, www.christies.com
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Collection Rockefeller, la vente du siècle
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°500 du 27 avril 2018, avec le titre suivant : Collection Rockefeller, la vente du siècle