MADRID / ESPAGNE
La galeriste espagnole prend sa retraite après plus de cinquante ans de carrière.
Madrid (Espagne). C’est une page importante qui se tourne pour le marché de l’art espagnol. Fin novembre dernier, la galeriste Juana de Aizpuru (90 ans) a annoncé prendre sa retraite après 53 ans de carrière, pour raisons de santé. La rumeur voulait que sa fille Concha lui succède, mais ce ne sera finalement pas le cas. La galerie madrilène a déjà cessé ses expositions et ses participations aux foires, mais son équipe reste sur place au 44, rue Barquillo jusqu’à nouvel ordre.
Juana de Aizpuru est l’une des rares galeristes espagnoles de sa génération, avec Helga de Alvear et Elvira González, à avoir occupé une place importante sur la scène internationale. Originaire de Valladolid, elle commence sa carrière à Séville, où elle s’installe avec son mari et collectionne l’art contemporain avant d’ouvrir sa première galerie, La Passerelle, en 1970, qui ferme ses portes en 2004. En 1983, elle ouvre une seconde galerie à Madrid, rue Barquillo. Elle est l’une des premières galeristes à avoir promu la photographie en Espagne, exposant les travaux d’Andres Serrano, Cindy Sherman et Pierre Gonnord, mais aussi l’art conceptuel, collaborant pendant plusieurs décennies avec Joseph Kosuth et le collectif Art & Language.
Entrepreneuse, Juana de Aizpuru a créé la foire d’art contemporain Arco Madrid en 1982, dont elle a été la première directrice jusqu’en 1986, à une époque où la ville ne possédait aucune institution d’art contemporain d’envergure. En 2004, elle tente de dynamiser l’art contemporain dans sa ville de cœur, Séville, en créant la Biennale internationale d’art contemporain de Séville, qui s’arrête cependant en 2008, après seulement trois éditions.
Dans ses deux galeries, elle a organisé plus de 500 expositions, montrant de grands noms de l’art contemporain tels que Michelangelo Pistoletto ou Richard Hamilton, et représentait jusqu’à aujourd’hui une trentaine d’artistes, à ses côtés depuis quatre décennies pour certains. Plusieurs se sont imposés sur la scène internationale avec son aide ; Dora García et Jordi Colomer ont représenté le pavillon espagnol à la Biennale de Venise, respectivement en 2011 et 2017. En 2024, ce sera au tour de la Péruvienne Sandra Gamarra, la première artiste non espagnole à représenter le pays. D’autres artistes de sa galerie, Heimo Zobernig (Autriche) et Pedro Cabrita Reis (Portugal), ont aussi représenté le pavillon de leur pays respectif lors d’éditions précédentes. Juana de Aizpuru affirme qu’elle va continuer à gérer la carrière de ses artistes jusqu’à ce qu’ils trouvent une nouvelle galerie, tandis que la vente du stock de la galerie se poursuit.
Fin décembre dernier, Juana de Aizpuru a cédé l’ensemble de ses archives pour moins de 100 000 euros à la Reina Sofía, musée avec lequel elle entretient une grande affinité, 130 œuvres de la collection ayant été acquises auprès de sa galerie. Il s’agit d’un « fonds crucial pour l’histoire des galeries d’art contemporain espagnoles », explique Isabel Bordes Cabrera, du département des archives du musée. Juana de Aizpuru a toujours tout conservé et classé : les archives de ses galeries à Séville et à Madrid, celles de ses différentes participations aux foires internationales à Bâle ou New York, des photographies anciennes à Arco, mais aussi des correspondances, du matériel graphique et de la documentation sur ses collaborations avec d’autres galeristes. « L’ensemble du fonds donne beaucoup d’indications sur l’évolution du marché de l’art des années 1970 à aujourd’hui », se réjouit Isabel Bordes Cabrera. La galeriste « avait conscience dès le départ qu’elle faisait quelque chose de crucial. Tout est minutieusement organisé, de la première inauguration à Séville jusqu’à la fermeture à Madrid aujourd’hui », précise-t-elle.
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Clap de fin pour la galerie Juana de Aizpuru
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°626 du 2 février 2024, avec le titre suivant : Clap de fin pour la galerie Juana de Aizpuru