L’application « À toutes fins utiles », qui permet aux artistes d’échanger des œuvres entre eux, a réussi à en convaincre 5 000 et réfléchit à d’autres usages.
Paris. Levée de fonds, prospection sur les réseaux sociaux, déménagement de bureaux temporaires en bureaux temporaires : depuis un an et demi, les trois diplômées d’écoles d’art qui ont fondé l’application Atfu (acronyme de « À toutes fins utiles ») vivent le quotidien d’une jeune start-up, bien loin de leur formation initiale. Sirine Ammar, Clara Citron et Clémentine Tissot ont laissé de côté leur pratique artistique, ou leur poste dans une grande galerie parisienne, pour ce projet « né d’un ras-le-bol » : celui de la difficulté pour les jeunes artistes à être représentés sur un marché de l’art ultra compétitif.
Comme sur une application de rencontre, Aftu propose aux artistes inscrits – 5 000 à ce jour – de faire défiler des œuvres mises en ligne par leurs consœurs et confrères anonymisés, jusqu’au coup de cœur. Si ce dernier est réciproque, un troc peut ensuite se décider dans une fenêtre de conversation où les deux artistes font connaissance. En l’absence d’indication sur le créateur et sur la cote des œuvres que l’on « swipe », l’application permet d’apprécier les pièces sans tenir compte des biais de la renommée ou du succès commercial.
Atfu veut ainsi permettre aux jeunes artistes non seulement de se constituer une petite collection, mais aussi de court-circuiter le parcours obligé en galerie pour espérer obtenir une visibilité. « Faire circuler, exposer les œuvres chez quelqu’un, c’est ce qui leur permet de prendre de la valeur », explique Clémentine Tissot, qui travaillait pour la galerie Perrotin avant de se consacrer à ce projet numérique. Bousculer un marché que les trois entrepreneuses considèrent comme « trop inégal et reposant sur trop peu d’élus », est aussi leur ambition. Alors que les galeries repèrent leurs nouveaux talents lors de la présentation des diplômes des écoles parisiennes (Beaux-Arts, Arts décoratifs), Atfu met en avant de jeunes artistes issus des écoles d’art en régions : « Sur l’application, la majorité des étudiants viennent de Paris, mais ils sont loin d’être les plus plébiscités », indique Clara Citron.
Ce rééquilibrage commence à intéresser le marché de l’art et les institutions. Une galerie grenobloise a ainsi demandé aux fondatrices d’Atfu de la mettre en contact avec une artiste présente sur l’application. Mais nombre de galeristes restent réticents à voir leurs poulains troquer des œuvres gratuitement sur Internet, anticipant les conséquences d’un tel « marché » sur une cote patiemment construite de foires en expositions.
Pour associer les différents acteurs du marché de l’art au projet, les cofondatrices envisagent désormais d’ajouter un profil « professionnel » à l’application, aujourd’hui exclusivement réservée aux artistes. Car Atfu récolte des données intéressantes : des tendances alternatives, reflétant le goût et les préoccupations des premiers acteurs de ce marché, les artistes. « Les découvreurs qui sont à l’œuvre dans les Fonds régionaux d’art contemporain, les Frac, ne devraient-ils pas utilement consulter Atfu ? De même les conservateurs de musée, les directeurs et professeurs des écoles d’art, les critiques et historiens d’art, les galeries ? », s’interroge ainsi Claude Mollard, inventeur des Frac dans les années 1980, dans la première newsletter diffusée par l’application en décembre. Aux yeux des cofondatrices, s’esquissent ici les traits d’un modèle économique pour une application pour l’heure complètement gratuite : « C’est un modèle qui peut aider tout le monde, galeristes comme artistes ! », estime Clara Citron.
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Atfu, un site de troc entre artistes, veut s’ouvrir à tous les professionnels
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°627 du 16 février 2024, avec le titre suivant : Atfu, un site de troc entre artistes, veut s’ouvrir à tous les professionnels