Les Frac, Fonds régionaux d’art contemporain, fêtent aujourd’hui leur vingt ans. À cette occasion, L’Œil a souhaité mieux comprendre ces structures, tant dans leurs missions que leur fonctionnement. Les Frac, qui constituent un patrimoine exceptionnel de quinze mille œuvres, ont su développer une spécificité tout en affirmant une pluralité d’identités.
Qu’est-ce qu’un FRAC ?
Créés en 1982, à l’initiative de l’État, les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) sont aujourd’hui présents dans chacune des vingt-deux régions de la France métropolitaine ainsi qu’en Martinique et à la Réunion. Créés dans le cadre d’une politique de décentralisation culturelle, ils sont le fruit d’un partenariat entre l’État et les Régions, visant à répartir les moyens et les compétences de l’État au niveau régional et à impliquer les collectivités territoriales dans le domaine culturel. « Le ministère de la Culture joue donc, à l’égard des FRAC, un rôle de cofinanceur (en moyenne sur l’ensemble des FRAC à 50 %, fonctionnement et acquisitions confondus), mais aussi de cotutelle (présence dans les conseils d’administration). Le ministère est également amené à exercer un rôle d’évaluation et de conseil », nous précise Martin Bethenod, délégué aux arts plastiques.
Les FRAC ont, pour la plupart, adopté le statut d’association Loi 1901. Sont en dehors de ce régime, le FRAC Alsace (association régionale relevant de l’agence culturelle technique d’Alsace), le FRAC Corse (en régie collectivité territoriale), le FRAC Franche-Comté (en régie régionale), et le FRAC Midi-Pyrénées (géré par un syndicat mixte ville/région).
L’objectif des FRAC est à l’origine de faire entrer l’art contemporain dans des lieux et territoires où il n’était pas présent. La décentralisation culturelle était synonyme d’aménagement culturel du territoire, tout en affirmant une volonté d’ouverture vers tous les publics. La mission de service public et l’esprit de démocratisation ont ainsi présidé à la naissance des FRAC. Collectionner, diffuser et démocratiser sont devenus les maîtres mots de ces fonds.
Les trois missions des FRAC
« La première mission consiste en la constitution d’un patrimoine public d’art contemporain dans chaque région. Elle se traduit par l’acquisition d’œuvres d’artistes vivants, représentatives des orientations les plus actuelles de la création, tant du point de vue régional que national et international », précisait ainsi dans la circulaire du 28 février 2002, Guy Amsellem, alors délégué aux arts plastiques.
La nécessité de collectionner se doublait d’une politique de diffusion dynamique et effective sur l’ensemble du territoire, afin de valoriser la collection auprès des publics. Outre un programme d’expositions temporaires, chaque FRAC doit mettre en place des partenariats avec l’ensemble des acteurs culturels de la région, privilégiant ainsi la mobilité des collections et la prépondérance des actions hors les murs. Cette politique de diffusion s’appuie en premier lieu sur les institutions culturelles de la Région (musées, centres d’art, écoles d’art, universités et lieux associatifs), mais doit également rechercher de nouveaux partenaires parfois peu coutumiers de l’art contemporain, et ce dans le but d’élargir les publics. Une diffusion régulière auprès des scolaires doit être mise en place, et reste prioritaire, précisait encore Guy Amsellem. Au-delà de cette politique régionale, la diffusion de la collection doit s’attacher à être nationale et internationale, en reprenant les mêmes formes d’expositions temporaires, de prêts et de dépôts.
À ces deux missions s’ajoute un programme de sensibilisation et de formation à l’art contemporain. Par le biais d’animations, d’ateliers pédagogiques, de conférences, de publications qui donneront des repères historiques et esthétiques, les FRAC s’attachent à produire des rencontres, des rapports de proximité entre les œuvres d’art et un plus large public.
En plus de ces trois missions « officielles », certains FRAC s’occupent de la production d’œuvres et du soutien à la création contemporaine en relation avec les artistes.
Fonctionnement des FRAC
Organigramme
Chaque FRAC dépend d’un conseil d’administration et d’un comité technique d’achat. Il fonctionne avec un personnel qui lui est propre, dont un directeur. Au conseil d’administration sont représentés la Région et l’État. Peuvent être associés à ce conseil différents représentants des acteurs
culturels de la Région (directeurs de musée ou d’école, élus municipaux). Le conseil d’administration est l’organe délibérant pour l’approbation ou non des décisions du comité technique d’achat et du projet artistique et culturel.
Le projet artistique et culturel
Il appartient au directeur du FRAC d’élaborer un projet, d’une vingtaine de pages, déterminant les principales orientations du FRAC et ce pour trois ans. Ce document comprend trois volets : la collection, la diffusion et la pédagogie, ce qui correspond aux trois missions du FRAC. Ce projet est présenté devant le conseil d’administration pour approbation.
Le comité technique d’achat
En ce qui concerne les achats, la décision revient à l’organe délibérant du FRAC (dans lequel sont représentés l’État et la Région). Le comité technique d’achat étudie les suggestions reçues ou apportées par ses membres, mais les propositions retenues sont ensuite soumises à l’approbation du conseil d’administration. « Ce comité a été instauré en 1982 pour garantir la pertinence et l’indépendance des propositions », rappelle Guy Amsellem dans la circulaire – une procédure inspirée du Fonds national d’art contemporain (FNAC). Il comprend quatre à six personnes (le directeur du FRAC et des personnes choisies pour leurs compétences). Celles-ci sont élues pour trois ans, leur nomination est renouvelable une fois. Dans sa circulaire, l’ancien délégué aux arts plastiques souhaite qu’il comprenne au moins un artiste.
Les autres modes d’acquisitions
La commande : « Dans le cas d’un achat à la suite d’une aide à la production en vue d’enrichir les
collections, faite par le FRAC ou par une autre structure, le montant de l’aide doit être déduit de l’achat. Les commandes suivent la même procédure que les achats », via le comité.
Les dons : « Les FRAC associatifs ne peuvent recevoir que des dons manuels, seuls les FRAC relevant de droit public peuvent recevoir de véritables donations authentiques. »
Les prêts et les dépôts
Si les prêts sont liés à un événement particulier et ponctuel, les dépôts « sont caractérisés par une durée déterminée, qui peut être de trois ans, à l’issue de laquelle le dépositaire peut demander le renouvellement ». Les dépôts sont « un élément important de la politique de diffusion des FRAC », un comité consultatif des dépôts devrait être mis en place, il regroupera le directeur du FRAC, les responsables des principaux musées de la Région et les conseillers de la DRAC.
Financement et budget
Chaque FRAC est financé à parité par l’État et les collectivités locales. Le budget global d’un FRAC (pour les acquisitions, le fonctionnement et la diffusion) peut varier de 300 000 euros à 1,2 million d’euros (chiffres 2002). Ce budget est revu tous les ans. Aujourd’hui l’enveloppe du budget global des vingt-quatre FRAC représente 15 millions d’euros. Depuis leur création, cette dernière a triplé
(4,5 millions d’euros en 1982). En ce qui concerne le seul budget des acquisitions, chaque FRAC dispose de 130 000 à 430 000 euros (chiffres 2002). Aujourd’hui l’ensemble des budgets d’acquisitions pour les vingt-quatre FRAC représente 4, 7 millions d’euros, soit près d’un tiers du budget total.
Des collections toujours croissantes
Vingt ans après leur création, les FRAC ont constitué un patrimoine énorme. Aujourd’hui pour beaucoup, il y a des urgences en termes de stockage, de réserves, mais aussi de conservation. Est-il envisageable que les FRAC se dessaisissent d’une partie de leur collection ? « C’est précisément ce constat que certains FRAC ne disposaient pas des espaces nécessaires à la conservation, dans de bonnes conditions, de collections d’importance croissante, qui nous a conduit, avec les Régions, et dans certains cas avec d’autres partenaires territoriaux, à engager un programme d’installation ou de réinstallation des FRAC », répond Martin Bethenod. Le FRAC Pays de la Loire s’est installé en 2000 à Carquefou dans un nouveau bâtiment spécialement conçu par l’architecte Jean-Claude Pondevie. Depuis, huit autres FRAC sont en cours de réinstallation, via des programmes de construction ou de réhabilitation qui se développeront entre 2003 et 2006. Le FRAC Lorraine, jusqu’alors dépourvu de lieu d’exposition, s’installera dans l’année à l’hôtel Saint-Livier à Metz réaménagé par Jean-François Bodin, le FRAC Centre sur le site des Subsistances militaires à Orléans. Un programme de réhabilitation des friches industrielles des années 1950 pour le FRAC Poitou-Charentes à
Angoulême est en marche, de même la réhabilitation d’un bâtiment dans le périmètre Euroméditerranée est à l’étude pour le FRAC Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Le FRAC Auvergne s’installera à la halle aux blés, bâtiment acheté par la ville de Clermont-Ferrand. Pour le FRAC Picardie et le FRAC Bretagne sont prévus des projets de construction de nouveaux bâtiments à Amiens et à Rennes. Quant au FRAC Aquitaine, une recherche de site est en cours. « Ces projets immobiliers doivent s’entendre non comme une inflexion des missions des FRAC, mais comme le moyen, pour eux, de mieux affirmer leurs missions initiales. Dans cette perspective, il n’est donc pas d’actualité d’envisager qu’ils se dessaisissent de leurs collections », poursuit le délégué.
Pour Marc Donnadieu, directeur du FRAC Haute-Normandie, la réponse ne se résume pas seulement à un problème de place. Une collection ne peut être montrée en permanence et en totalité, pour des
raisons de conservation et du fait de la politique même de dépôts des FRAC. Il est essentiel que les collections s’enrichissent. La création contemporaine est en évolution constante. La mission du FRAC est d’être le reflet de la création, il doit montrer cette évolution. [...] À mon sens, les centres d’art se consacrent à l’actualité, au présent, de façon expérimentale, ils portent un regard sur l’instant. Les FRAC, en revanche, réinscrivent l’actualité dans une histoire récente, ils la resituent dans les vingt, trente dernières années. Ils donnent des bases, des clés pour comprendre l’actualité. Les FRAC construisent une histoire du présent, à la différence des musées qui construisent une histoire des siècles, de façon encyclopédique. Le FRAC est en dehors des grands discours sur l’histoire de l’art, il donne des pierres de réflexion sur l’histoire du présent. »
Bilan et perspectives
Après vingt ans d’existence, les FRAC ont su interpréter et définir un projet culturel et produire un modèle original dans la reconnaissance de l’art français et la découverte de l’art international. Seules carences à ce bilan positif, la domanialité publique des œuvres et les équipements – pour lesquels nombre d’améliorations sont en cours. La domanialité relève d’un problème de statut. Les œuvres acquises par les FRAC ont une destination de service public et doivent en avoir les caractéristiques – notamment celle de l’inaliénabilité.
Martin Bethenod précise : « Vingt ans plus tard, la disparité est trop grande d’un FRAC à l’autre (en ce qui concerne leurs moyens, leurs sites, leurs collections, leurs ambitions…) pour que l’on puisse envisager un statut unique. La solution qui s’offre désormais aux collectivités territoriales est celle de l’EPCC (établissement public de coopération culturelle, prévu par la loi en 2002). Ce statut permet de pérenniser l’activité, de mieux clarifier le rôle des tutelles, et surtout de doter les collections d’un statut public. Nous comptons encourager, dans les prochains mois, les collectivités locales qui se montreraient intéressées à expérimenter la mise en place de ce statut, cela bien entendu pour les FRAC dont la taille critique ou les projets de développement rendraient cette solution souhaitable. »
Évolution et perspectives
Les FRAC sont nés de l’idée de décentraliser, de démocratiser, de créer une présence effective de l’art sur le territoire. Au départ il s’agissait de collectionner et de diffuser. Ensuite est venue l’idée qu’il était nécessaire de sensibiliser, d’éduquer. De nouvelles fonctions se dessinent, associées à l’idée de conservation des collections. Le FRAC Pays de la Loire propose des réserves accessibles, et la mise en place d’un atelier de restauration. Un grand intérêt est porté à une politique de soutien et de proximité avec les artistes. Le FRAC Champagne-Ardenne favorise la production, le FRAC
Provence-Alpes-Côte-d’Azur travaille sur la production de projets en lien direct avec les artistes, le FRAC Haute-Normandie initie des commandes spécifiques sur le territoire, et le FRAC Pays de la Loire fait encore une fois figure d’initiateur avec ses ateliers d’artistes.
Le FRAC Franche-Comté est lié au musée des Beaux-Arts de Dole, l’IAC constitue, conserve et diffuse la collection du FRAC Rhône-Alpes, les Abattoirs de Toulouse assurent les missions du FRAC Midi-Pyrénées. Ainsi le devenir des FRAC dépend-il de leur identité, de leur histoire et de leurs choix. (Cf. pp. 16-17 et les expos de l’été pp. 66-67, 88-86, 102-103, 118-120, 135.)
Le Fonds national d’art contemporain (FNAC) est la plus grande collection internationale d’art vivant rassemblée en France. Riche de 70 000 œuvres, elle est constituée d’achats et de commandes effectuées pour le compte de l’État auprès d’artistes en activité. Elle réunit les arts plastiques, la photographie, les arts décoratifs aussi bien que le design.
Histoire du FNAC
Au lendemain de la Révolution française, un service chargé des « ouvrages d’art appartenant à l’État » est créé en 1791. Doté d’un budget propre, distinct de celui des musées, ce service est l’ancêtre du Fonds national d’art contemporain. Il prend le nom de FNAC en 1976. En 1981, le FNAC passe sous la tutelle de la DAP. En 1991, le FNAC déménage sous l’esplanade de la Défense à Puteaux, aux abords de Paris. Afin de marquer son emplacement, une œuvre est commandée à l’artiste François Morellet, La Défonce.
Les missions du FNAC : acquérir et diffuser
La première mission du FNAC est de constituer un patrimoine public. Les propositions d’achats sont examinées par des commissions, renouvelées tous les trois ans. Elles sont composées de représentants de l’administration et de membres nommés par le ministère de la Culture. Le FNAC ne bénéficiant pas d’espace d’exposition propre, les œuvres sont présentées au public par le biais de prêts lors d’expositions en France ou à l’étranger, et de mises en dépôt dans les musées ou les administrations, y compris les ambassades.
Des sigles à en perdre la tête ?
FRAC : Fonds régional d’art contemporain.
FNAC : Fonds national d’art contemporain.
DRAC : Direction régionale des affaires culturelles.
DAP : Délégation aux arts plastiques.
CNAP : Centre national des arts plastiques.
Quelques Chiffres
Collection des FRAC réunis : environ 15 000 œuvres.
Collection du FNAC : environ 70 000 œuvres.
Collection du Centre Pompidou : près de 50 000 œuvres.
Liste des différents délégués aux arts plastiques
Claude Mollard, en fonction de 1982 à 1985.
Dominique Bozo, en fonction de 1986 à 1990.
François Barré, en fonction de 1990 à 1993.
Alfred Pacquement, en fonction de 1993 à 1996.
Jean-François de Canchy, en fonction de 1996 à 1998.
Guy Amsellem, en fonction de 1998 à 2002.
Martin Bethenod a été nommé le 9 janvier 2003.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Frac, vous avez dit Frac ?
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°549 du 1 juillet 2003, avec le titre suivant : FRAC, vous avez dit FRAC ?