PANTIN
Ce ne sont pas moins d’une cinquantaine d’œuvres d’Alex Katz, datées de 1986 à 2020, qui sont réunies à la Galerie Thaddaeus Ropac, sous le commissariat de l’historien de l’art Éric de Chassey.
Pour la plupart de grand format, ces toiles prennent pour thème l’eau, qui occupe depuis sept décennies l’artiste américain aujourd’hui âgé de 94 ans (né à Brooklyn, il vit à New York), parallèlement à ses fameux portraits. Explications d’Alex Katz lors de son passage à Paris.
Au départ, et surtout à partir des années 1990, mon idée était de contourner le travail de Matisse et de Picasso qui peignaient souvent au centre de leur toile des figures aux contours noirs et assez affirmés. J’étais plus intéressé par Jackson Pollock et sa façon de remplir l’espace de la toile. Cet aspect-là m’a conduit vers les paysages. En général, les tableaux de paysage sont comme des fenêtres sur les murs et j’ai voulu peindre un sujet qui enveloppe la salle et le spectateur, des paysages englobants, en expansion, qui génèrent eux-mêmes un environnement.
Parce que je trouvais que les portraits de Matisse et de Picasso étaient très généralistes et je voulais proposer quelque chose de plus spécifique. En ce sens Ada, que j’ai peinte plus de cinq cents fois, est un modèle parfait. Face à un portrait d’Ada, les gens la reconnaissent tout de suite. Elle peut être à la fois une beauté américaine et une beauté européenne. On a l’impression que ses gestes viennent du cinéma, elle n’en fait jamais de déplacés. Elle bouge comme une actrice. C’est inné chez elle, sa mère était d’ailleurs actrice et Ada allait beaucoup au cinéma avec ses parents. Dès l’âge de 5 ans, elle était déjà toujours très bien habillée et elle a toujours gardé ce sens de la mode et de l’élégance. Avec Ada je n’ai pas besoin de peindre une poche en plus sur la robe, parce que celle-ci a tellement de tenue que ce n’est pas nécessaire.
Quand j’ai commencé, Picasso et Matisse étaient des géants, je ne pouvais pas aller dans leur direction. Il y avait aussi Pollock, icône de l’expressionnisme abstrait : je n’allais pas aller sur la voie de ce qu’il avait déjà fait. L’idée de peindre des figures sur des très grandes toiles me paraissait plus nouveau. Je cite souvent Matisse et Picasso, mais c’est Bonnard qui a eu le plus d’influence sur moi, justement pour son traitement plus expansif de l’espace.
Mes parents m’ont toujours dit que, dès le berceau, j’étais très attiré par les couleurs, donc cela a toujours été naturel pour moi. Quand j’étais étudiant, mon professeur avait peur de mon utilisation de la couleur, cela ne lui plaisait pas, mais j’ai insisté et j’ai continué dans cette voie-là.
Non, la métaphysique n’existe pas dans ma démarche. Ce qui me passionne, c’est le phénomène optique que peut produire une surface peinte. Plus qu’une question de tonalité, la couleur est pour moi avant tout un rapport à la lumière et au temps. Elle est liée à l’expérience optique de voir quelque chose et à mon désir de faire voir aux autres ce que moi j’ai vu.
Il n’y a pas de passé, pas de futur. Le temps, c’est l’éternité qui se manifeste dans la présence, dans la conscience, et la conscience c’est l’expérience du voir. Essayer de faire une peinture relève de cette expérience-là. J’aime beaucoup la littérature et j’ai trouvé chez saint Augustin et chez Gertrude Stein des réflexions sur ce rapport au temps qui m’ont beaucoup intéressé.
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Alex Katz : « Faire une peinture relève de l’expérience du voir »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°575 du 15 octobre 2021, avec le titre suivant : Alex Katz, artiste : « Faire une peinture relève de l’expérience du voir »