Les musées français n’ont pas échappé au phénomène des réseaux sociaux développés sur le Net sans toutefois savoir très bien comment en exploiter les ressources.
Facebook, Twitter, Flickr, Google : au cours des cinq dernières années, les réseaux sociaux ont envahi la Toile. Utilisés aussi bien par les particuliers que par les professionnels, ils sont l’expression première du « Web 2.0 », qui contribue à une utilisation simplifiée et interactive d’Internet permettant à chacun d’en devenir l’acteur.
Participer, échanger, dialoguer sont les maîtres mots de ce phénomène importé des États-Unis. À l’image du MoMA [Museum of Modern Art] à New York ou de la Tate à Londres, les musées anglo-saxons ont assimilé ce mode de relation interactive avec le public et en explorent les possibilités : faire connaître le musée, inciter à la visite, faire circuler des informations, élaborer des échanges plus personnels avec le visiteur, donner une image plus moderne du musée… En France, si les musées se montrent intéressés, le mouvement n’en est qu’à ses débuts. Dans la majorité des cas, les musées ont adhéré à ces réseaux sociaux, Facebook en tête, sans savoir tout à fait comment les utiliser. Parce qu’il est impossible aujourd’hui « de ne pas en être », cette adhésion, parfois aveugle, à un réseau social leur permet de communiquer des informations, et participe de la modernisation de l’image de l’institution, laquelle reste cependant attachée à son cadre. Fabien Escalona, le webmestre des Arts décoratifs, reconnaît ainsi que le musée a rejoint Facebook en 2009 « sans stratégie à proprement parler, mais avec l’idée d’élargir les publics et de faire connaître [sa] diversité ». Pour lui, il s’agit bien de « jouer la complémentarité avec la communication institutionnelle, mais ici, le ton est direct, parfois humoristique, l’approche plus chaleureuse, personnalisée. Cette désacralisation du musée est salvatrice ».
Les Arts déco ont été les premiers, il y a un an, à organiser une « soirée Facebook ». Le succès fut au rendez-vous avec 390 personnes venues au musée (au lieu des 100 visiteurs escomptés), dont un tiers n’y avait jamais mis les pieds auparavant. L’entreprise a fait des émules. Le Louvre prépare ainsi une soirée pour ses « fans » Facebook, qui pourront venir gratuitement, et accompagnés, au musée. Au Musée d’Orsay, publiant sur Facebook depuis novembre 2010, Éric Jouvenaux, rédacteur Web, reconnaît que la présence du musée sur la plateforme « était une obligation ». Il précise avoir fait le choix « d’une position assez institutionnelle au service des activités du musée », qui consiste à « relayer les informations avec un ton décalé », un peu comme « une prolongation du site Internet ». Éric Jouvenaux lorgne aussi sur le tout nouveau réseau « Google » que le musée a rejoint en janvier… sans que son exploitation ne soit encore bien définie. « Nous sommes encore en phase d’apprentissage, nous essayons d’avoir des idées neuves. On apprivoise l’objet ; on observe s’il est viable : cela ne peut qu’enrichir les rapports avec le public », note-t-il encore.
Des « gestionnaires de communauté »
Quelques musées ont eu envie d’aller plus loin, créant de véritables « communautés » sur les réseaux sociaux dont les échanges construisent un monde virtuel connecté au musée. Le soin en a été confié à des « community managers » ou « gestionnaires de communauté », une dénomination créée récemment pour désigner ces animateurs de l’ère du Web 2.0 venus d’horizons très divers. Ils officient dans des institutions comme le Centre Pompidou, le Musée d’art contemporain de Lyon, les Abattoirs à Toulouse ou à la Cité des sciences. Ici, il s’agit moins de faire venir de nouveaux visiteurs et de valoriser les activités intra-muros du musée que d’inventer de nouveaux liens avec le public, de lancer des débats et de diffuser un contenu créé spécifiquement pour le Web. Pionnier en la matière, Samuel Bausson (ethnologue de formation) a créé pour le Muséum de Toulouse, à l’occasion de sa rénovation, une dynamique sur Twitter, Netvibes, Flickr et Facebook. Il définit lui-même ce laboratoire d’idées comme un « autre lieu, un autre musée avec son langage particulier ». « L’idée est très simple : il s’agit d’aller où les gens se trouvent, résume-t-il. Pour animer une communauté, il faut bien la connaître. Ce qui compte avant tout, c’est l’échange, se construire autour d’affinités partagées. » En revanche, il semble illusoire à Samuel Bausson de créer une communauté autour de son propre musée. En témoigne l’expérience malheureuse lancée par le Louvre avec la création de son site participatif baptisé « Communauté Louvre ». Destinée aux amateurs d’art, la plateforme a dû fermer en octobre 2011, moins d’un an avant sa mise en route.
Selon Pierre-Yves Lochon, administrateur du Clic (Club Innovation & Culture France), créer une plateforme fermée ne présente pas grand intérêt. Ce dernier considère le réseau social avant tout comme un outil de communication au service du musée réel, voire comme un moyen de conquête de nouveaux visiteurs. « Ce qui fait débat aujourd’hui, c’est le temps passé sur les réseaux sociaux et le budget qui y est consacré, puisqu’il accapare quasiment un poste à temps plein. Il faudrait mesurer l’impact réel de ces réseaux dans la conquête de nouveaux publics. » Mais comment mesurer celui-ci ? En octobre dernier, le Louvre fêtait ses 400 000 fans sur Facebook à grand renfort de communication, se réjouissant d’arriver en tête des institutions françaises. Pourtant, ce chiffre apparaît relativement faible en regard des 8,5 millions de visiteurs annuels de l’établissement parisien et des 20 millions de personnes qui utilisent Facebook tous les mois en France. D’après Samuel Bausson, l’impact ne se mesurera pas au travers des chiffres : « Aujourd’hui, il faut se demander si les réseaux sociaux ont enrichi le contenu du musée. Ce qui est intéressant, c’est l’usage qu’ils impliquent, les nouveaux rapports [qu’ils créent] avec le musée : passer d’une logique de vitrine à une logique participative. » Pour l’heure, les réseaux sociaux sont surtout utilisés pour diffuser des informations sur le musée, sur un mode expérimental et mouvant. Un nouvel outil que les musées de beaux-arts ne peuvent s’empêcher de regarder avec circonspection.
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Les musées sur un mode « 2.0 »
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°363 du 17 février 2012, avec le titre suivant : Les musées sur un mode « 2.0 »