La rétrospective qui célèbre les 500 ans de la disparition de Jérôme Bosch s’appuie sur les recherches du Bosch Research and Conservation Project, pour donner du relief à la manifestation.
BOIS-LE-DUC - L’entrée en matière manque un peu de clarté et de panache. Pas de notice biographique pour introduire la vie et l’œuvre du maître néerlandais du bas Moyen Âge. Aucun dispositif visuel permettant de situer l’œuvre dans l’histoire culturelle et politique de l’époque. Juste une courte vidéo elliptique. « Pour découvrir l’ensemble de son œuvre, il vous aurait fallu visiter plusieurs continents, vous rendre à New York, Madrid, Paris et Venise. Nous avons tout réuni, ici, dans sa ville de Bois-le-Duc », explique au visiteur, images à l’appui, le petit film diffusé en boucle à l’entrée de la rétrospective consacrée à Jérôme Bosch. Jeroen van Aken de son vrai nom, né en 1450 à ’s-Hertogenbosch et disparu en 1516.
Huit années de travail ont été nécessaires à Charles de Mooij, le directeur du Noordbrabants museum et son équipe pour réunir vingt peintures et dix-neuf dessins de la main de Jérôme Bosch. Seules deux œuvres de Jérôme Bosch étaient conservées aux Pays-Bas : Le Vagabond et le saint Christophe, tous deux au Musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam. Le Met, le Louvre, le Prado, la gallerie dell’Accademia de Venise, le British museum, l’Albertina et le Prado ont été mis à contribution. Ce dernier n’a toutefois pas accepté de prêter son Jardin des délices, les œuvres les plus emblématiques de l’institution espagnole n’ayant pas l’autorisation de sortir. Pour admirer le célèbre triptyque, les amateurs devront se rendre à Madrid où ouvrira une grande exposition Bosch au Prado, le 31 mai, trois semaines après la clôture de sa concurrente batave. A Bois-le-Duc, l’exposition est divisée en six parties : le pèlerinage de vie, Jérôme Bosch à Bois-le-duc, la vie du Christ, Bosch dessinateur, les saints, et la fin des temps.
À la lumière de la technologie
La rétrospective ménage une place importante aux découvertes du Bosch Research and Conservation Project (BRCP) mis sur pied en 2007 à l’invitation de la municipalité de Bois-le-Duc. L’équipe d’experts internationaux, dirigée par Jos Koldeweij, professeur à l’université de Nimègue et spécialiste du peintre et Matthijs Ilsink, a disposé des techniques les plus modernes (photographie haute résolution infrarouge, réflectographie infrarouge, examen microscopique et prélèvements d’échantillons) pour étudier et documenter l’œuvre du maître, et révéler des détails jusqu’alors invisibles.
Dépenaillé, le pantalon déchiré au niveau du genou, chaussé d’un soulier et d’une savate, un bâton à la main et une hotte sur le dos, il avance à pas comptés en lançant un regard inquiet derrière lui. Le Vagabond, exécuté autour de 1500-1510 par Jérôme Bosch, trône à l’entrée de la première salle de l’exposition, le pèlerinage de vie.
Les travaux du BRCP ont montré que ce petit tondo, conservé au Musée Boijmans Van Beuningen, faisait autrefois partie d’un triptyque dont il constituait la face externe. La partie gauche du triptyque, une fois ouvert, était occupée par La Nef des fous (conservée au Musée du Louvre), la partie droite par La mort et l’avare (Washington national gallery of art). Les restaurations de La Nef des fous, menées entre 2012 et 2015 au Centre de recherche et de restauration des musées de France, ont permis de confirmer que ce panneau de bois était autrefois prolongé par une partie basse : La débauche et le plaisir, conservée à la New Haven art gallery de l’Université de Yale. L’analyse du bois et des analogies entre les scènes représentées témoignent qu’ils font bien partie du même ensemble. Les deux panneaux ont été placés sous une vitre et installés bord à bord sous l’éclairage tamisé des salles d’exposition. Une animation vidéo très réussie, diffusée sur un moniteur, permet de réunir visuellement les quatre éléments dispersés en un seul et même ensemble, le Triptyque du Vagabond.
Aux sources de l’inspiration
« Quiconque s’assied dans La Nef des fous navigue en chantant et riant droit vers les Enfers », écrit Sébastien Brant dans son poème éponyme publié aux Pays-Bas en 1479. À côté du tableau du Louvre figurant un groupe bigarré d’ivrognes et de gloutons se goinfrant tout en chantant et jouant du luth sous l’œil impassible d’une chouette, les commissaires de l’exposition ont placé, sous une petite vitrine, la traduction néerlandaise du poème satirique de Brant qui était à l’époque très connu et très populaire. La Nef des Fous, vaisseau sans pilote, se voulait la métaphore d’une vie de péché et de paresse. Les quelque 70 œuvres et documents réunis par les commissaires permettent d’illustrer le contexte historique de la naissance des toiles et dessins de Bosch et les sources d’inspiration du maître. Ainsi de la page enluminée du mois de mai du Livre d’heures de Jeanne de Castille (entre 1496 et 1506) montrant un couple d’amoureux jouant de la musique dans un canot. Mauvais présage : un fou tenant une cornemuse est assis à la barre de la frêle embarcation.
Commissaires : Jos Koldeweij, Matthijs Ilsink et Charles de Mooij
Nombre d’œuvres : 120 œuvres
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Bosch revu et augmenté
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 8 mai, Musée Noordbrabants, Verwersstraat 41, Bois-le-Duc (Pays-Bas), tous les jours 9h-19h, www.hnbm.nl, entrée 12 €. Catalogue, 192 p., 24,95 €.
Légende Photo :
Jérôme Bosch, Vision de l'au-delà, vers 1505-1515, quadriptyque, Museo di Palazoo Grimani, Venise © Photo Rik Klein Gotink et Robert G. Erdmann / The Bosch Research and Conservation Project.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Bosch revu et augmenté