La commission culture du Sénat a largement modifié le projet de loi relatif à la liberté de création à l’architecture et au patrimoine. Le renforcement des attributions de l’Inrap et le régime des Cités historiques ont notamment fait l’objet de nombreux amendements. Le texte sera débattu dans l’hémicycle le 9 février avant de revenir à l’Assemblée nationale.
PARIS - « Il n’y a pas de clivages politiques entre vous et nous sur la culture », lançait le sénateur (PS) David Assouline à ses collègues de droite lors de la première séance d’examen en commission des amendements à la Loi relative à liberté de la création, l’architecture et le patrimoine le 26 janvier dernier. Cette vérité politique que nul ne conteste vraiment aujourd’hui ne s’est pas pour autant traduite dans les 183 amendements adoptés qui ont très largement modifié l’esprit et la lettre du texte venu de l’Assemblée nationale. Majoritaires à la commission culture, éducation et communication, comme au Sénat tout entier, les sénateurs LR et UDI ont tantôt libéralisé le texte, tantôt mieux encadré le pouvoir des élus locaux.
Françoise Férat (UDI), rapporteur du titre II relatif au patrimoine et à l’architecture a ainsi consciencieusement détricoté les mesures visant à consolider l’Institut national de la recherche archéologique (s’agissant des fouilles préventives) au détriment des opérateurs privés et des services des collectivités locales. La commission a notamment rétabli la possibilité de recourir à un sous-traitant, ainsi que le bénéfice du crédit impôt recherche aux opérateurs privés. Elle a supprimé l’obligation de paiement à l’Inrap pour poursuivre des opérations d’archéologie inachevées et même supprimé le monopole de l’établissement public sur les opérations de fouille sous-marines introduit par l’Assemblée nationale. Libéral aussi le retour au seuil de 170 m² à partir duquel le recours à un architecte est obligatoire – seuil que les députés avaient abaissé à 150 m². En revanche Jean-Pierre Leleux (LR), rapporteur du titre I relatif à la création artistique, a retiré un amendement visant à favoriser le mécénat culturel local en contrepartie d’une diminution de la contribution foncière des entreprises mécènes. Mais c’est pour présenter un texte plus travaillé en séance publique.
Les « cités historiques » changent de nom
Mais dans un mouvement symétriquement opposé, la commission a adopté de très nombreux amendements concernant les abords et les espaces protégés d’inspiration moins libérale. Alors que le texte présenté par l’exécutif socialiste donne plus d’autonomie aux villes en la matière, la commission sénatoriale a limité les prérogatives des élus locaux. Après avoir renommé les nouvelles « Cités historiques » en « sites patrimoniaux protégés », elle substitue au très controversé « PLU patrimonial », un plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (PMVAP), annexé au PLU et qui ressemble beaucoup aux Aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine (AVAP). La nouvelle Commission nationale des cités et monuments historiques – issue dans le projet de loi de la fusion des deux commissions actuelles – que les sénateurs ont renommée en Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), « peut solliciter le classement au titre des sites patrimoniaux protégés pour tout espace qui lui paraîtrait le nécessiter ». Elle peut aussi « à tout moment, demander un rapport ou émettre un avis sur l’état de conservation de la cité historique ». Au passage, la commission a adopté le fait que la présidence de cette commission soit confiée à un parlementaire. Bordé d’un côté par la vigilance de la CNPA et ses déclinaisons régionales, l’élu local est aussi surveillé par une nouvelle commission locale du site patrimonial protégé, composée de personnalités locales et de représentants de l’État. Cette commission est consultée sur le projet de plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine « et assure le suivi de sa mise en œuvre après son adoption. » En revanche, s’agissant des abords des monuments historiques, les élus pourront opter pour le système actuel (un « rond » de 500 m) ou le périmètre délimité prévu par le projet de loi.
La commission sénatoriale, présidée par Catherine Morin-Desailly aura ainsi mis deux fois moins de temps que son homologue de l’Assemblée nationale à corriger ou enrichir (c’est selon) le texte initial largement amendé par les députés en 18 heures de discussions souvent animées. Elle a été particulièrement expéditive sur le fameux article 1 (La création artistique est libre), l’écologiste Marie-Christine Blandin résumant un peu le sentiment général : « sa formulation actuelle n’apporte pas grand-chose : on a toujours été libre de créer dans son grenier ! Il n’est pas très normatif. Il eût mieux valu parler d’expression artistique libre ou, comme le veut Monsieur Assouline, de diffusion libre. » En fait de nombreux sénateurs se réservent pour les débats publics dans l’hémicycle le 9 février prochain.
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Loi création et patrimoine, les sénateurs ont largement amendé le texte des députés
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Abonnez-vous dès 1 €Françoise Ferat. Photo D.R.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°450 du 5 février 2016, avec le titre suivant : Loi création et patrimoine, les sénateurs ont largement amendé le texte des députés