Attendue depuis l'élection d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris, la liste des nouveaux membres de la Commission du Vieux Paris va être rendue publique. Alors que certains le voyaient disparaître, le comité va bénéficier de prérogatives étendues. L’occasion de dresser un état des lieux des associations qui font de la préservation du patrimoine parisien un combat.
On les rencontre pendant des tables rondes, sur les réseaux sociaux et parfois dans les tribunaux. Les associations de protection du patrimoine parisien savent faire entendre leur voix, entre information et contre-pouvoir. Si des associations se forment chaque année pour la sauvegarde d’un élément patrimonial en particulier (édifice, rue…), elles s’étiolent souvent une fois le dossier refermé.
Trois associations de loi 1901 sont engagées depuis longtemps pour la sauvegarde de l’ensemble du patrimoine parisien : la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF), Paris historique et SOS Paris, respectivement fondées en 1901, 1963 et 1978. Ces structures semi-bénévoles réalisent un travail de veille contestant des projets immobiliers ou urbanistiques impliquant des démolitions ou des constructions non respectueuses du patrimoine.
Des empêcheurs de tourner en rond pour les pouvoirs publics. Le 13 août, 2014 Le Canard enchaîné relayait un propos de Jean-louis Missika, adjoint du maire en charge de l’urbanisme et de l’architecture exprimant l’irritation de la mairie de Paris à l’égard d’associations « contestant [les] décisions [de la Ville] devant les tribunaux. » Très procédurières les associations ? Les recours contentieux font en effet partie de l’ADN de la SPPEF, active sur l’ensemble du territoire français. Deux actions en justice en cours – impliquant une contestation de la révision du PLU pour l’extension de Roland-Garros (lire le JdA n° 387) et pour le projet de la Samaritaine (lire le JdA n° 412) – l’opposent notamment à la Ville de Paris. « La mobilisation et la discussion ne suffisent pas toujours à préserver un élément patrimonial. Il est important d’aller jusqu’au procès et d’aller jusqu’au bout, lorsque l’élément en lui-même est important et que sa préservation peut délivrer un message auprès de ceux qui veulent le détruire », explique Alexandre Gady, président de la SPPEF. « Et cela malgré le coût élevé de la procédure », précise celui qui bénéficie des cotisations d’environ 3 500 adhérents et du soutien de bienfaiteurs. « Pour Roland-Garros, plusieurs associations se sont rassemblées et ont payé les frais à parts égales. » Un appel aux dons a aussi été réalisé tandis qu’une part importante des frais du procès de la Samaritaine à été financée grâce à un mécène privé. Si la SPPEF, accompagnée par SOS Paris, s’est engagée dans plusieurs recours contentieux, Paris historique emprunte, elle, davantage la voie du recours gracieux que celui du contentieux. « Le procès n’est pas dans notre identité », explique Pierre Housieaux, président de l’association. Organiser des tables rondes ou des expositions sur un monument en danger et tenter d’influencer les différents acteurs du dossier en faisant du lobbying, telles sont les méthodes de l’association. « Les victoires remportées par les défenseurs du patrimoine, comme celles de la sauvegarde de la halle Freyssinet, nous semblent des conjonctions d’éléments où le relais de la presse et de l’opinion a rencontré un soutien politique. On espère que La Poste décidera finalement de conserver l’usine postale de la Poste du Louvre (lire le JdA n° 403 du 13 décembre 2013) pour garder une plate-forme au cœur de Paris. »
L’impact d’un contentieux
Ultime moyen de s’opposer à un projet et en ralentir l’exécution, les procès confèrent aux associations une crédibilité, mais ne participent pas toujours à valoriser leur image. Le jugement rendu le 13 mai (lire le JdA n° 414 du 23 mai 2014) sur la Samaritaine, en faveur de la SPPEF et SOS Paris, a été critiqué de toute part. Vouloir figer Paris dans le passé : tel est le reproche qui a été adressé aux associations qui se sont opposées à la destruction d’un îlot de bâtiment et à l’élévation d’une façade aux rythmes verticaux, signée par l’agence d’architecture SANAA. Se défendant d’être hostiles à l’égard de l’architecture contemporaine, les associations déclarent prôner une intégration des constructions nouvelles dans le tissu existant, qui se ferait sans pastiche ni rupture et en respect d’une certaine homogénéité – notamment horizontale — de la ville. Elles se réfèrent ainsi au PLU en vigueur, qui sera modifié fin 2015 après une période de concertation populaire qui a commencé le 22 septembre 2014. Un dossier suivi assidûment par les associations composées d’historiens de l’art, d’architectes ou d’amateurs passionnés qui ne sont pas sans divergences d’opinion. Le combat de la SPPEF et SOS Paris contre la nouvelle Samaritaine n’a pas reçu le soutien de Paris historique. « Il y a eu des débats au sein de l’association, certains cautionnaient le projet SANAA, d’autres pas, aussi le conseil d’administration a-t-il décidé de ne pas s’exprimer sur le sujet », explique Pierre Housieaux. Jean-François Cabestan (lire ci-dessous) était partie prenante du projet ayant réalisé pour le compte du maître d’ouvrage une étude historique de la Samaritaine. « Avec le temps, on apprend à vivre avec des ruptures dans le paysage architectural dont on ne voudrait plus se passer aujourd’hui », commente Pierre Housieaux.
Le 13 août 2014, un article du Le Canard enchaîné révélait la volonté d’Anne Hidalgo de bâillonner la Commission du Vieux Paris (CVP), instance consultative composée notamment de 40 experts des questions patrimoniales donnant son avis sur les permis de construire et de démolir. Relayant des propos de Jean-Louis Missika, adjoint à l’Urbanisme, Le Canard enchaîné annonçait que la CVP devait être épurée de ses membres « conservateurs » – qui ont contesté grand nombre de projets architecturaux soutenus par la Ville, tels que l’extension de Roland-Garros, le projet de la Samaritaine et la reconfiguration de la Poste du Louvre – et verrait désormais ses dossiers sélectionnés par la maire elle-même. Tollé parmi les défenseurs du patrimoine. Le 23 septembre, la Ville a fait volte-face dans un communiqué : la commission conservera ses statuts et ses missions, restera maîtresse de son ordre du jour. Elle devrait en outre être consultée en amont sur les grands projets patrimoniaux, ce qui selon plusieurs membres de la CVP, n’était pas le cas jusqu’alors. « Je vais demander aux bailleurs sociaux que les projets nous soient présentés dès l’étape de faisabilité », déclare le nouveau président Bernard Gaudillère, ancien adjoint aux finances de Bertrand Delanoë, décrit comme « un homme très attaché au patrimoine, à la qualité architecturale de Paris » par les experts de la CVP, qu’il a côtoyés de 2008 à 2014 en tant que conseiller de la Ville à la commission. Côté spécialistes, la purge annoncée dans Le Canard enchaîné n’a pas eu lieu : la plupart des membres de la CVP ont été renouvelés, dont les membres d’association de défense du patrimoine, SOS Paris et Paris Historique (*). À l’heure où nous mettons sous presse, les membres experts de la CVP n’ont pas encore été nommés par la maire. Si les présidents d’associations de défense du patrimoine SOS Paris et Paris historique qui siégeaient à la commission sous Bertrand Delanoë ont été approchés dans la perspective d’une reconduction, la composition de la CVP était à l’ordre du jour de la séance du Conseil de Paris du 29 septembre. Les groupes d’élus de droite, du centre et de l’écologie ont demandé des garanties pour que la CVP reste pluraliste et que la majorité des membres de la CVP reste strictement indépendante de la Ville.
Nous avons malencontreusement laissé la phrase suivante dans l’édition du 3 octobre du Journal des Arts :
« Côté spécialistes, la purge annoncée dans Le Canard enchaîné n’a pas eu lieu : la plupart des membres de la CVP ont été renouvelés, dont les membres d’association de défense du patrimoine, SOS Paris et Paris Historique. »
A cette heure (vendredi 3 octobre 2014), les membres experts de la CVP n’ont pas encore été nommés, comme nous l’indiquions dans la phrase suivante.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Qui pour défendre le patrimoine parisien ?
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°420 du 3 octobre 2014, avec le titre suivant : Qui pour défendre le patrimoine parisien ?