Art moderne

Évian (74)

Voir les Grisons et mourir

Palais Lumière

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 26 avril 2021 - 348 mots

ÉVIAN

« Avoir d’autres yeux, […] voir l’univers avec les yeux d’un autre, de cent autres » : tel est, pour Marcel Proust, le seul véritable voyage.

Giovanni Giacometti (1868-1933), Paysage de neige (soleil), 1910, huile sur toile. © Stiftung für Kunst, Kultur und Geschichte, Winterthur
Giovanni Giacometti (1868-1933), Paysage de neige (soleil), 1910, huile sur toile.
© Stiftung für Kunst, Kultur und Geschichte, Winterthur

Et c’est à ce voyage que nous invite l’exposition « La montagne fertile » du Palais Lumière. Elle nous donne à voir les Grisons, canton suisse situé au milieu des Alpes, à travers les regards d’un noyau d’artistes constitué à l’aube du XXe siècle autour de Giovanni Giacometti, le père d’Alberto. Leurs neiges ne sont pas tout à fait blanches, mais jaunes, bleues ou roses, dans la lumière de l’hiver, comme les verts du printemps et de l’été se divisent en de multiples couleurs.

C’est dans le val Bregaglia, dans la région de Maloja, que grandit Giovanni. S’il a étudié à Munich et à Paris, il a épousé une jeune femme de ce pays où ils élèveront leurs quatre enfants, et dont il a fait aimer les paysages à Cuno Amiet, jeune peintre avec qui il s’est lié d’amitié pendant ses études. Les deux artistes peignent régulièrement ensemble, explorant de multiples techniques pour exprimer les changements atmosphériques et les vibrations de la lumière sur ces montagnes suisses – comme aussi le peintre Giovanni Segantini, qui vient d’Italie pour s’installer dans la région en 1886.

Après la mort brutale de Segantini en 1899, dans une cabane perchée sur cette montagne dont il pensait peut-être qu’elle lui permettrait de s’approcher au plus près de la lumière, l’aventure artistique de ces montagnes fertiles se poursuivra avec Ferdinand Hodler. En même temps qu’elle nous fait voyager à travers leurs yeux, l’exposition retrace l’histoire de ces amitiés artistiques. Un moment méconnu de l’histoire de l’art enfin mis en lumière ? Pas tout à fait. Car l’exposition, conçue et scénographiée par l’artiste Corsin Vogel, lui-même originaire des Grisons, constitue aussi, et peut-être surtout, un voyage à travers son regard d’artiste. Tout au long du parcours, rythmé d’installations sonores, il confronte ces quatre peintres suisses au regard d’artistes modernes ou contemporains, qui semblent leur répondre en écho, des photographes Andrea Garbald et Albert Steiner au plasticien Kurt Sigrist, en passant par Alberto Giacometti.

« La montagne fertile. Les Giacometti, Segantini, Amiet, Hodler et leur héritage »,
Palais Lumière, Évian (94), ville-evian.fr/fr/palais-lumiere

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°743 du 1 avril 2021, avec le titre suivant : Voir les Grisons et mourir

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