Giovanni Segantini est mort dans une grange alpine en finissant son grand œuvre, le Triptyque de la vie qu’il avait prévu de dévoiler à l’Exposition universelle de Paris en 1900.
Soucieux de capter la lumière du Schafberg, le peintre s’était aventuré à 2 700 mètres d’altitude pour y peindre dehors malgré les conditions climatiques, une intrépidité qui lui sera fatale. Dans l’exposition consacrée au peintre italien lié au divisionnisme, des photographies documentent la méthode de ce « pleinairiste » habitué à planter son chevalet dans la neige. La fondation Beyeler tient surtout à réinstaller Segantini dans une histoire de l’art moins rétrograde que celle à laquelle il était jusqu’à présent cantonné. Sans doute son goût pour les paysanneries inspirées du naturaliste Jean-François Millet a-t-il été pour beaucoup dans cette vision passéiste. Cette entreprise de révision pousse même l’institution suisse à orchestrer des dialogues entre les œuvres de l’Italien et celles de ses contemporains, de Claude Monet à Paul Cézanne, en passant par Vincent Van Gogh et Gustav Klimt. Pourtant, Segantini ne fréquenta d’autres cercles que celui de Milan à ses débuts. Il y demeura jusqu’en 1886, peignant des scènes populaires déjà marquées par la simplicité. Par la suite, il passera des Préalpes de Savognin à la vallée Engadine et ses hauts sommets, faisant évoluer ses sujets traités avec la technique divisionniste jusqu’à un symbolisme luministe.
Cette fascination quasi mystique pour la lumière radiante des cimes, la fondation en fait une clef de lecture nouvelle pour révéler un Segantini en osmose avec les forces de la nature. « Ce que je préfère, c’est le soleil, après le soleil le printemps, et puis les sources qui jaillissent, cristallines, des rochers des Alpes, qui ruissellent et coulent dans les veines de la terre… Oui, je suis un amoureux passionné de la nature », écrivait-il en 1890. Peut-être alors, l’exposition aurait-elle pu rapprocher Segantini des écoles nordiques ou même des peintres américains transcendantalistes ? Car ce parti pris de confronter les œuvres à celles de grands précurseurs comme Monet ou Cézanne pour faire de l’Italien un « pionnier de l’art moderne » (dixit Samuel Keller, le patron de la fondation) pourrait s’avérer bien cruel.
« Segantini », fondation Beyeler, Beyeler Museum, Baselstrasse 77, Riehen (Suisse), www.fondationbeyeler.ch, jusqu’au 25 avril 2011.
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Segantini entre plaine et montagne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°632 du 1 février 2011, avec le titre suivant : Segantini entre plaine et montagne