L’initiative de la Fondation Albert Gleizes pour perpétuer la méÂmoire de ce maître cubiste s’appuie sur l’esprit du peintre plus que sur son travail : aider à la création en regroupant une communauté d’artistes en un lieu propice. Pour cela, une maison de batelier léguée à la fondation accueille depuis quatre ans de jeunes artistes sélectionnés par un directeur. Les travaux des cinq derniers lauréats sont exposés à la Galerie BF 15 de Lyon jusqu’au 20 janvier.
SABLONS - Lovée dans un bras du Rhône encore assez sauvage pour que canards et autres oiseaux ne l’aient pas fui, la résidence de Moly Sabata – "les savates mouillées", en patois local – regarde à l’ouest le fleuve et à l’est un parc ombragé et romantique. La nature est partout, mais la proximité du village et de ses gravières ne laisse jamais oublier qu’un monde moins avenant vous attend à l’extérieur de l’enclos.
Dans ce cadre où nature et culture dialoguent sans peine, le peintre lié au mouvement cubiste Albert Gleizes (1881-1953) travaillait et invitait ses amis dans une espèce de phalanstère artistique. Après sa mort, une fondation prolonge cette activité d’accueil et de dialogue en se tournant résolument vers les jeunes artistes. Dirigée par Pierre Georgel, conservateur du Musée de l’Orangerie, la Fondation Gleizes désigne chaque année un commissaire qui invite quelques jeunes artistes. Après le directeur du Frac Rhône-Alpes, puis celui de l’École des beaux-arts de Valence, Claire Peillod a été chargée de cette responsabilité.
"Un moment de calme"
Claire Peillod est critique d’art et responsable de la programmation de la galerie associative BF 15, qu’elle a ouverte en collaboration avec l’agence de graphistes "Trois-quarts face". Elle a sélectionné cinq jeunes artistes – trois français, un suisse et un autrichien –, qui ont chacun reçu 20 000 francs pour vivre et travailler deux mois à Moly Sabata, dans un atelier vaste et ensoleillé.
L’expérience de l’isolement et de la campagne réjouit pleinement les artistes invités. "C’est un moment de calme et de réflexion", estime Natacha Mégard. "Cet isolement temporaire m’a permis de faire le point sur mon travail", précise Fabienne Ballandras. Cette année, les ateliers se sont conclus par une exposition à la galerie BF 15, et tous les artistes en conviennent : la perspective de l’exposition a stimulé leur travail. Vincent Moreno et Natacha Mégard utilisent de longues tiges de métal au bout desquelles sont accrochées des plumes. Cette forêt de roseaux, souple et agitée au moindre souffle d’air, est distraite par une citation de Fernando Pessoa qui apparaît sur des lettres découpées et parsemées de poudre de marbre. Une délicate invitation au voyage dans le maquis des mots…
Carlo Poloni réalise une série de photographies témoignant d’actions de prime abord saugrenues, mais qui provoquent rapidement un rire jaune. Hans Kupelwieser s’aventure sur des chemins plus conceptuels, soumettant son nom à une anamorphose créée par ordinateur et mimant l’étirement du fleuve qui longe la maison. Fabienne Ballandras se sert d’images pour animer des surfaces architecturales. L’éclectisme des travaux est séduisant, comme en témoigne l’exposition.
Mais les ateliers de Moly Sabata sont fragiles. "La Fondation Albert Gleizes n’est pas riche", se désole Pierre Georgel. Aussi a-t-elle dû vendre quelques toiles d’Albert Gleizes ainsi que l’autre propriété du peintre près de Saint-Rémy-de-Provence pour développer ses activités à Moly Sabata. Mais aidée par la Drac et la Région Rhône-Alpes, la fondation espère pouvoir ouvrir bientôt sa maison à d’autres artistes et – pourquoi pas ? – à des créations véritablement pluridisciplinaires.
ARTISTES DE LA FONDATION ALBERT GLEIZES, jusqu’au 20 janvier, Galerie BF 15, 5 rue Bonnefoi 69003 Lyon, tél. 04 72 61 95 41.
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Pieds dans l’eau et nez au vent
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°32 du 1 janvier 1997, avec le titre suivant : Pieds dans l’eau et nez au vent