CONDETTE
À l’occasion de son exposition de photos de paysages au château d’Hardelot, la photographe explique son rapport à la nature et ce que représentent ces images.
Depuis l’adolescence, Nan Goldin (née en 1953 à Washington) photographie tout ce qui l’entoure. Ses images, mises bout à bout, documentent sa vie comme un journal intime. Jusqu’à fin novembre, elle partage au Centre culturel de l’Entente cordiale les paysages imprimés dans sa mémoire sensitive qu’elle immortalise depuis les années 1980.
Elles expriment exactement ma relation avec la nature. Ce ne sont pas des observations. Ces portraits de ciel, de bois, de collines… sont émotionnels. Ils viennent de l’intérieur.
Parce que je les aime et que je veux les montrer. Et parce qu’on est dans le château d’Hardelot et dans un très beau paysage. L’invitation est une belle opportunité.
L’exploration de ce que je ne connaissais pas, le désir d’être au plus près de ce que j’éprouvais et éprouve encore. La curiosité est constante. J’ai pris beaucoup de photos de la campagne environnant le château d’Hardelot, plus que d’habitude d’ailleurs. J’ai beaucoup aimé cela. Il y a une recherche de sérénité, bien que mes photographies de paysages soient plutôt sombres, crépusculaires, voire une recherche d’annonciations de malheurs imminents. Ces images évoquent autant mes peurs que mes fascinations, en particulier pour le ciel dont j’aime regarder et suivre les changements constants. Ces photographies parlent aussi de voyages, de séjours, de moments précis passés avec des amis. Chacune correspond à un souvenir et me rappelle une personne que j’aime.
Tout à fait.
Si, on y voit quelques personnes. Il faut voir ces photographies comme un ensemble, comme une poursuite de mon journal intime.
Du silence, de l’intimité et un temps où je n’ai pas à être en relation avec les autres. Je suis juste à un endroit, sans identité. Je fais simplement partie de quelque chose. C’est une manière pour moi de m’échapper du monde tout en étant dans le monde. J’aime être seule dans les bois.
Non, pas du tout. L’intérêt est apparu avant au cours des années 1980. C’était alors tout à fait nouveau pour moi.
Non, je ne le pense pas. Toute réalité, toute vie est vraie. Je n’ai pas vu soudain la nature comme une nouvelle réalité. Quand j’étais adolescente, j’ai vécu à la campagne, entourée d’arbres. Simplement quand j’ai commencé à sortir d’une période très sombre de ma vie, je me trouvais être en pleine nature. Il y avait le ciel, la lumière. C’est à ce moment-là que j’ai pris alors conscience de la manière dont la lumière évolue dans la journée, comment elle colore la peau, ombre, modifie…
J’étais alors hospitalisée. Un ami est venu me sortir pour la journée. On est allé dans un cimetière, car depuis toujours j’aime aller dans des cimetières pour prendre des photos. Quand je suis arrivée devant mon prénom avec ces belles couleurs j’ai trouvé la situation très ironique, très drôle, compte tenu de mon état particulièrement dépressif à l’époque.
Non. Je ne connais pas beaucoup de gens qui le soient. Mais je le suis bien plus qu’il y a quinze ans.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°504 du 22 juin 2018, avec le titre suivant : Nan Goldinn photographe : « Chaque photographie correspond à un souvenir »