LYON
Le musée d’archéologie gallo-romaine présente une enquête sur les successions du pouvoir dans l’Empire romain. La scénographie originale fait appel à une architecture en papier et des supports numériques ludiques.
Lyon. En 192, l’empereur Commode est assassiné par son esclave, peu après avoir réchappé à une tentative d’empoisonnement. Le règne contrarié de ce jeune empereur, fils naturel de Marc Aurèle auquel il avait succédé, est suivi d’une période de crise qui voit s’affronter cinq prétendants à la succession. Cette crise est résolue par la bataille de Lugdunum en 197, au cours de laquelle Septime Sévère défait le dernier usurpateur qui contestait son pouvoir.
Le Musée Lugdunum prend le prétexte de cet événement de l’histoire locale pour enquêter sur les vicissitudes, les jeux de pouvoir et d’influence qui président aux différentes successions durant l’Empire romain. Un thème plus intellectuel et politique que les derniers sujets traités par le musée tels que l’alimentation, le jeu ou l’eau, et pour lequel les choix scénographiques ont été renouvelés. Ici, pas de lourdes cimaises qui séquencent le parcours, mais une architecture de papier, tout en continuité. Élégant – et plus écologique ! –, ce parti pris que l’on retrouve plus fréquemment dans des expositions consacrées à la mode donne une clarté à la narration politique du parcours. L’utilisation de colonnades en papier matérialise ainsi la déambulation dans les arcanes du pouvoir impérial romain et crée un heureux écho avec les espaces architecturaux du musée dessinés par Bernard Zehrfuss, d’ordinaires masqués par les cimaises dans l’espace d’exposition temporaire.
Cette scénographie légère épouse également le déroulé chronologique de l’exposition. Sur le mode du récit, il s’agit de partir d’un élément déclencheur – l’assassinat de Commode – jusqu’à la résolution de l’intrigue de succession, en passant tout de même par un flash-back vers l’époque augustéenne, fondatrice du « principat », ou Empire romain. Cette contextualisation se raccroche au récit principal grâce à un outil de médiation numérique qui déroule, sur un mode ludique, la liste des successions d’Auguste à Commode, presque deux siècles plus tard. Indispensable à la compréhension chronologique du récit, cet outil numérique est aussi la matrice du discours sur la variété et l’instabilité des modes de succession.
L’utilisation des cartes a également fait l’objet d’un traitement spécifique. Les cartes présentées sortent du rôle illustratif, ou de contextualisation, pour devenir des temps forts de la progression du parcours. Le relief animé de la bataille de Lugdunum donne ainsi vie au récit de l’historien Don Cassius et assume entièrement la narration de cet événement central. La carte de l’Empire romain qui ouvre la séquence sur la guerre de succession reprend les codes des jeux de plateau, permettant de comprendre les enjeux territoriaux de ce conflit et d’en présenter les cinq protagonistes.
L’objet a également la part belle, avec des prêts importants du Musée du Louvre, du Musée du Vatican et du Musée national romain – les sceptres impériaux trouvés lors des fouilles du Capitole sont une rareté à ne pas manquer –, et fait là aussi l’objet d’un traitement original. Les pièces de monnaies, essentielles lorsqu’on développe un discours sur le pouvoir, sont montées sur des supports tournants, permettant de voir l’avers, où l’on découvre le profil de l’empereur, puis le revers, où est représentée l’allégorie de la qualité à laquelle il souhaitait être associé ; un petit écran opère un zoom sur ces monnaies. Un effort appréciable pour attirer l’attention du visiteur sur ces pièces souvent présentées de manière rébarbative.
En proposant un jeu de rôle, une « visite dans la visite », accessible sur téléphone, mais aussi un Escape Game, à réserver après le parcours, le musée d’archéologie lyonnais multiplie les outils de médiation pour animer l’exposition. Il n’oublie pas non plus de faire le lien avec l’actualité archéologique locale, toujours riche : la fin du parcours présente les récentes découvertes qui témoignent des pillages et des violences qui ont suivi la bataille de Lugdunum.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°578 du 26 novembre 2021, avec le titre suivant : Lugdunum démonte les rouages du pouvoir