BRUXELLES / BELGIQUE
L’œuvre pour Jean-Luc Moulène « n’est pas un lieu pacifié où l’harmonie règne. Elle est un lieu de conflits. »
Devant les peintures inédites de l’artiste intitulées Sous-Chromes, on ne le mesure pas au premier abord. Au contraire, les monochromes présentés à La Verrière opposent une belle matérialité et une gamme de couleurs où, souvent par paire, le jaune, le rouge disputent au vert son éclat, mais surtout sa présence pleine et entière. Surface lisse, craquelée ou veinée, rien ne suggère le conflit intérieur qui les travaille. Seul le vécu au fil du temps avec ces peintures permettrait de saisir les métamorphoses progressives induites par les réactions chimiques de la peinture à l’huile sur le goudron, sous l’effet de la lumière, de la chaleur ou du froid.
Les peintures organiques de Jean-Luc Moulène sont des objets vivants aux matériaux voués à s’affronter pour finir fondus au sol. D’une surface à l’autre, les réactions diffèrent selon le nombre de couches alternées de peinture à l’huile ou de goudron. On en prend conscience si l’on est attentif aux nombres de coulures sur les rebords de chaque pièce. Les réactions de spores de champignons déposés sur du papier sensible ne sont pas davantage pour déplaire à l’artiste, qui rejoue constamment ses pratiques artistiques, y compris en photographie. « Je ne m’intéresse qu’à ce que je ne connais pas », dit-il. L’expérimentation, donc, pour donner aux éléments une autre matérialité poétique que rien ne condamne à l’immuable, mais qui se perd quelque peu dans le vaste espace blanc de La Verrière.
« En angle mort. Jean-Luc Moulène »,
La Verrière, 50, boulevard de Waterloo, Bruxelles (Belgique), www.fondationdentreprisehermes.org
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°710 du 1 mars 2018, avec le titre suivant : L’organique selon Jean-Luc Moulène