Accueilli dans l’exposition par trois Vestibules, sculptures en lames d’acier suspendues au plafond qui tournoient sur elles-mêmes et s’activent lors de performances, le visiteur est d’emblée mis face aux interrogations chères à Tarik Kiswanson.
Né en 1986 en Suède, cet artiste d’origine palestinienne, installé en France, s’intéresse à la fragmentation, aux frontières, au déracinement. Son œuvre tout entier tend à révéler des espaces d’entre-deux, des traversées, pour donner à voir l’instabilité et la fragilité du monde contemporain. Dans la deuxième salle de l’exposition, sont présentées trois vidéos mettant en scène des préadolescents : tandis que l’un est montré, au ralenti, en train de chuter en arrière sur sa chaise d’école, un autre apprend à lire et le troisième tente d’écrire l’arabe alors que, issu de la troisième génération de l’immigration, cette graphie lui est étrangère. La scénographie de cette salle est particulièrement réussie : un écran vertical monumental en cache, au premier regard, deux autres horizontaux et plus petits, qui semblent flotter dans la pénombre. Dans les salles suivantes, il est question d’identité, de métamorphose et d’hybridation culturelle, thèmes abordés par des œuvres aux techniques et matériaux divers. La scénographie, toujours épurée et contemplative, permet aux œuvres d’habiter le lieu et de dialoguer avec l’espace, pourtant autoritaire, du bâtiment de Norman Foster. Le travail de Tarik Kiswanson nécessite de prendre le temps de l’appréhender pour en saisir pleinement les enjeux. Sa première exposition monographique muséale le permet, et ouvre ainsi d’infinies perspectives de réflexion sur l’« état suspendu du monde. »
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°739 du 1 décembre 2020, avec le titre suivant : Les traversées de Tarik Kiswanson