Le Musée d’art moderne de la Ville de Paris met en exergue le caractère subversif de la joaillerie dans un parcours éclairant ses enjeux sociologiques.
Paris. Si la fourrure est devenue l’un des emblèmes de Meret Oppenheim, on avait oublié qu’elle en avait paré aussi un large bracelet en or. Elle n’est d’ailleurs pas la seule artiste à s’être saisie du bijou comme sujet de création. Louise Bourgeois, Pablo Picasso, Ugo Rondinone, Alexander Calder, César, Jean-Luc Verna ou Niki de Saint Phalle ne sont que quelques noms qui, toutes époques confondues, s’y sont essayés.
Est-ce cette création d’un autre genre pour les artistes, ses formes et ses éventuelles motivations, qui est explorée en tant que telle par le Musée d’art moderne de la Ville de Paris ? Pas vraiment et c’est tant mieux. Ce à quoi s’attache « Medusa. Bijoux et tabous », avec quelque quatre cents pièces et quelques œuvres d’art contemporain, tient plutôt dans une tentative d’étudier en quoi le bijou est un accessoire porteur d’une forte signification symbolique et sociale et comment il a souvent joué au cours de l’histoire un rôle transgressif, tant dans l’idée du paraître que dans la remise en cause de codes sociaux.
Mais quelles différences entre bijoux d’artistes, ethniques, de créateurs de mode ou de grandes maisons de joailleries, puisque toutes ces catégories sont là représentées ? L’exposition malheureusement n’y répond pas, mettant toutes les provenances sur le même plan. Cela pourrait peut-être se concevoir dans le cadre d’une étude strictement sociologique, mais cela l’est moins dans un musée d’art moderne, où le spectateur serait fondé à être éclairé sur la spécificité, ou pas, de la vision des artistes en la matière. Ce qu’il y a d’intéressant dans cette proposition, c’est la manière dont elle déjoue idées reçues en prenant systématiquement le contrepoint de ce qui est avancé. Aborde-t-on les symboles de domination attachés aux riches parures des maharadjahs indiens ou à cette autre de Louise Bourgeois évoquant l’enfermement mise en relation avec un collier d’esclavage, que plus loin c’est l’idée d’insoumission qui est scrutée. S’attache-t-on à la valeur matérielle et emphatique de la joaillerie qu’aussitôt après, la « contre-valeur » est mise en avant avec des créations fantaisies ou une minuscule « broche poussière ».
L’exposition néanmoins se perd quelque peu en chemin, lorsqu’elle s’aventure sur le terrain d’un supposé lien entre corps et sculpture. S’il n’est pas inutile de battre en brèche l’idée que les bijoux d’artistes seraient systématiquement de sous-sculptures – encore que le contraire soit loin d’être démontré pour tous –, il est pour le moins troublant de lier ce qui seraient alors des « sculptures portables » (si l’on suit cette idée) avec des formes traditionnelles, comme un ornement de nez en or pré-incaïque, dont il n’est nulle part établi qu’il puisse s’apparenter à de la sculpture. On touche peut-être là les limites de l’ouverture du discours.
Evelyn Hofer, Anjelica Huston portant The Jealous Husband (vers 1940) d’Alexander Calder, 1976, photographie. © Estate Evelyn Hofer/Calder Foundation.
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Les milles et une facettes des bijoux
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 5 novembre, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 11, avenue du Président Wilson,75116 Paris.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°482 du 23 juin 2017, avec le titre suivant : Les milles et une facettes des bijoux