Beaubourg consacre à Louise Bourgeois une rétrospective en forme de psychanalyse
PARIS - Il était temps que le Musée national d’art moderne consacre une exposition rétrospective à l’œuvre de la doyenne des artistes françaises, Louise Bourgeois (née en 1911). Dans la Galerie 2, un parcours chronologique passe en revue les différents épisodes qui jalonnent la carrière de l’artiste émigrée aux États-Unis en 1938. Des peintures « Femmes-maisons » commencée à la fin des années 1940 jusqu’aux œuvres en tissu d’aujourd’hui, en passant par les sculptures totémiques des années 1950, celles aux formes organiques en plâtre, latex, caoutchouc ou bronze, ou encore la série des « Cellules » qui marque les années 1990, il rend compte de l’évolution de ce travail qui traverse le siècle en marge des courants d’avant-garde.
Louise Bourgeois prête à l’acte créateur un rôle cathartique. Son art exorcise les blessures passées et les souffrances présentes. Ses œuvres anéantissent la domination du père, au menu d’un fantasmatique banquet cannibale (The Destruction of the Father, 1974). Elles conjurent le traumatisme de la promiscuité et de l’impudeur par la lucarne « voyeuriste » des chambres, nommées « Cellules » afin de désigner l’enfermement paradoxal du cocon familial. Elles soulagent la solitude new-yorkaise en incarnant les proches restés en France (« Figures », vers 1950), ou matérialisent la névrose dans des formes pornographiques hybrides.
Espace claustrophobe
L’accrochage de Marie-Laure Bernadac, commissaire de l’exposition, insiste sur les souffrances physiques et psychologiques à l’origine de l’œuvre de Louise Bourgeois. La cage surplombée d’une guillotine dans la première salle donne le ton (Cell (Choisy), 1993). Ce projet biographique semble même avoir supplanté l’enjeu premier de la mise en valeur des œuvres. En effet, le discours psychologisant distillé par les cartels, ou le mur composé de « photos de famille » présenté à la sortie, ancrent l’exposition dans un propos centré sur la personne qui l’éloigne d’une évaluation esthétique ou historique. Quant au film réalisé par Camille Guichard en 1993 et diffusé dans le hall du 6e palier, il dresse avant tout le portrait attendrissant d’une vieille dame effrontée. Ainsi l’exposition invite-t-elle à la compassion, au sens étymologique : le visiteur « souffre avec » Louise Bourgeois dans cet espace claustrophobe – l’artiste n’aurait-elle pas mérité tout l’étage ? – où la présence des autres visiteurs est aussi dérangeante que le bleu doucereux des cimaises.
Jusqu’au 2 juin, Centre Pompidou, Musée national d’art contemporain, place Georges-Pompidou, Galerie 2 et Galerie d’art graphique, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, tlj sauf mardi 11h-21h. Catalogue, 320 p., 39,90 euros, ISBN 978-2-84426-355-1.
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Les malheurs de Louise
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaires de l’exposition : Marie-Laure Bernadac, Jonas Storve
- Nombre d’œuvres : 210 environ au total Exposition réalisée en collaboration avec la Tate Modern Gallery à Londres
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°279 du 11 avril 2008, avec le titre suivant : Les malheurs de Louise