Palmarès

Artindex France 2015

Les femmes font une percée dans l'Artindex

Les artistes récompensés par un prix ou ceux bénéficiant d’une rétrospective progressent dans le classement

Par Anne Favier · Le Journal des Arts

Le 25 mars 2015 - 1402 mots

Dans un classement des artistes contemporains dont le quatuor de tête ne change pas et qui demeure largement dominé par les hommes, quelques femmes enregistrent de notables progressions.

Le haut du palmarès de l’Artindex France 2015 est sensiblement similaire à celui de l’année dernière. Et logiquement, les modulations les plus fortes vont croissant avec la suite du classement.
Le quarté de tête, avec Anri Sala (1e), François Morellet (2e), Christian Boltanski (3e) et Daniel Buren (4e), reste stable. Ainsi, pour la troisième année consécutive, l’artiste franco-albanais qui vit et travaille à Berlin, occupe le premier rang. Relativement discret sur la scène artistique nationale depuis son exposition participative au Centre Georges Pompidou en 2012, Anri Sala, dont l’œuvre a été remarquée au pavillon français à la Biennale d’art contemporain de Venise en 2013, expose principalement dans les institutions à l’étranger  (Tel Aviv, Chicago, Zurich…). Ces cinq dernières années, il a été invité à participer à plus d’une trentaine de biennales dans le monde, tout comme Adel Abdessemed (13e). Et si une « biennalisation » de l’art contemporain n’est pas sans influencer l’Artindex en révélant l’intérêt des institutions vis-à-vis de la création artistique actuelle, on pourrait noter que les artistes moins bien classés sont davantage exposés en galerie.

Les grandes figures attendues de l’art contemporain du top 20, François Morellet (totalisant encore le plus d’expositions et pour nombre d’entre elles, en galeries), Christian Boltanski, Daniel Buren, Sophie Calle, Ben, Annette Messager, Erró (qui a récemment investi le Mac de Lyon à l’occasion d’une rétrospective excessivement dense), maintiennent une très belle visibilité notamment à l’étranger. Un peu plus loin dans le classement, des artistes nés avant 1945 comme Carlos Cruz-Diez (28e), Sarkis (29e), Bernar Venet (30e), Pierre Soulages (32e), Julio Le Parc (40e), Jacques Villeglé (43e) et Niele Toroni (44e), bénéficient d’une reconnaissance habituelle. La nette progression ( 40) de Bernard Aubertin (85e), artiste de cette même génération, présenté au Musée d’art moderne et contemporain de Nice en 2013 à l’occasion d’une exposition monographique, est à souligner.

L’impact des prix
La nouvelle génération d’artistes bien classés dans l’Artindex 2015, à l’instar de Mounir Fatmi (18e), bien que soutenus par de prestigieuses galeries, est surtout exposée dans les centres d’art et musées. On pourrait aussi observer qu’une majorité des jeunes artistes reconnus a suivi un parcours dans une école d’art parisienne réputée (École nationale supérieure des arts décoratifs en tête). L’École des beaux-arts de Nantes et celle de Grenoble semblent aussi être aussi de bons tremplins. Né en 1985, l’ingénieux Neil Beloufa, déjà bien classé l’année dernière après avoir gagné une centaine de places, voit sa progression confirmée en s’inscrivant au 27e rang ; il est aussi en lice pour le prix Marcel Duchamp 2015. Le Palais de Tokyo lui donnait l’occasion pour la première fois en 2013 d’exposer dans une institution française avant que la Fondation Ricard pour l’art contemporain ne lui ouvre ses portes en 2014. Le prix décerné par cette fondation, en soutien des artistes émergents, pourrait avoir un ascendant sur le classement : Mircea Cantor, lauréat en 2004 puis impétrant du prix Duchamp en 2011, conserve le 9e rang ; d’autres primés comme Loris Gréaud et Raphaël Zarka restent dans les soixante premiers et Adrian Missika (155e) remonte de 28 rangs. Lili Reynaud Dewar, remarquée pour ses reprises des chorégraphies de Joséphine Baker, gagne seize places (42e) après s’être vu décerner le prix en 2013.

Sans être une exception française, comme en témoigne également l’Artindex monde, la présence des femmes reste mineure. Alors qu’aucune artiste n’a été nommée pour le prix Duchamp 2014, dix-neuf femmes seulement figurent dans les cent premiers rangs de l’Artindex France 2015. En revanche, elles avancent dans le classement, ainsi, Sophie Calle, très exposée aux États-Unis, gagne une place (5e), Tatiana Trouvé gagne deux places (15e), Dominique Gonzalez-Foerster cinq places (19e), Valérie Belin vingt places (64e) et Sophie Ristelhueber vingt et une places (102e). Quant à Camille Henrot, primée à la Biennale de Venise en 2013 pour sa captivante vidéo Grosse fatigue présentée l’été dernier dans l’accrochage de la collection permanente du Musée d’art moderne de Paris, elle progresse spectaculairement à la 31e place. Mais, c’est à Laure Prouvost (49e) que revient le plus important avancement dans le top 100 avec plus de cinquante places de gagnées. Cette jeune artiste qui vit à Londres après y avoir étudié, a le vent en poupe ; en 2013 elle reçut le prix Turner Prize, attribué pour la première fois à un artiste français, avant d’exposer en 2014 au New Museum de New York.

Djamel Tatah (180e), 93 places, compte parmi les plus nettes évolutions. Le peintre de la figure humaine exposait ses troublants et hiératiques portraits à l’encaustique à la Fondation Maeght en 2013 et au Musée d’art moderne de Saint-Étienne en 2014. À l’inverse du marché, l’Artindex qui témoigne en partie des partis pris institutionnels, ne fait pas vraiment la part belle à la peinture. Pour autant, les peintres figuratifs semblent avancer dans le classement : après une réjouissante et non moins controversée rétrospective à Pompidou l’année dernière, Martial Raysse s’inscrit au 58e rang ( 15), juste derrière Nicole Eisenman (57e), méconnue en France mais très exposée aux États-Unis. Les peintres Valerio Adami (69e), Philippe Cognée (106e), Gérard Garouste (134e), Jean-Charles Blais (136e) et Marc Desgrandchamps (138e), gagnent des places également.

Les effets inégaux des rétrospectives
On relèvera également l’avancée ( 25 rangs) de Claude Viallat (87e) dans le haut du classement qui compte aujourd’hui parmi les 100 premiers artistes de l’Artindex depuis sa grande rétrospective au Musée Fabre de Montpellier. Un peu plus loin, Hervé Télémaque (162e) perd vingt places alors que le Centre Pompidou lui consacre aujourd’hui une rétrospective attendue. Le peintre abstrait Jean Miotte (165e) enregistre une forte baisse (-39 places). Quant aux discrets dessinateurs, ils pourraient gagner en visibilité, à l’instar de Damien Deroubaix (56e), Vidya Gastaldon (72e) ou encore Éric Manigaud (485e ; 254) que l’on a pu apprécier au Salon du dessin contemporain 2014.

Les collectifs ou duos d’artistes, prisés des institutions, sont légitimement présents. Relevons parmi les 200 premiers rangs : Claire Fontaine (6e), Société Réaliste (53e), Dewar & Gicquel (74e), Pierre et Gilles (91e), Map Office (100e), Berdaguer & Péjus (108e), Louise Hervé & Chloé Maillet (153e), Mrzyk & Moriceau (169e) et Ida Tursic & Wilfried Mille (187e).

Enfin, les street artistes tels JR (132e) ou ZEVS (326e) profitent d’une incontestable mode et sont paradoxalement de plus en plus visibles dans les institutions, hors les murs de la ville.
La vidéo, encore modestement soutenue par le marché reste le médium favori des institutions. De même les installations dans leurs multiples configurations marquent indéniablement la création contemporaine. Relevons en ce sens la fulgurante progression ( 106) du trentenaire David Douard (199e). Le son, bien sûr corrélé aux pratiques vidéo, semble de plus en plus usité comme médium à part entière. Des paysages sonores, des dispositifs musicaux associés aux nouvelles technologies ou bien conçus à partir d’instruments rudimentaires (les boîtes à musique d’Anri Sala) ouvrent à des expérimentations sensibles. D’ailleurs Céleste Boursier-Mougenot (70e) succédera à Anri Sala pour représenter la France cette année à la Biennale de Venise. Nul doute qu’il mettra en scène quelques interfaces oniriques, de fascinantes machines animées à produire d’étranges intonations. Évoquons aussi « la mise en donnée » du monde à travers des pratiques critiques et poétiques faites de transferts, de compilations, de traductions, d’emprunts de documents et de banques données de toute nature. Aurélien Froment (26e) ou Julien Prévieux (95e), Prix Marcel Duchamp 2014, s’inscrivent par exemple dans cette tendance « documentariste » ou « appropriationniste ».

Artindex France 2015

Artindex France 2015 : 1 a 28 Artindex France 2015 : 29 a 95 Artindex France 2015 : 96 a 133 Artindex France 2015 : 134 a 201

Le classement des 3 300 artistes français de l'ArtIndex France 2015

1 à 999
1 000 à 1 999
2 000 à 2 955

Méthodologie

Artindex est un classement qui repose sur les expositions auxquelles participent les artistes. Les données sont fournies par notre partenaire Artfacts.net, dirigé par son fondateur Marek Claassen qui administre une base d’artistes, de lieux et d’expositions. Chaque exposition des artistes est créditée d’un certain nombre de points qui dépendent de l’importance des lieux qui peuvent être des musées, biennales ou galeries, du format de l’exposition (collective ou individuelle) et de son ancienneté. Les expositions récentes ont plus de points que les expositions passées. Il se peut que des expositions ne soient pas enregistrées par Artfacts.net. Il est conseillé aux artistes et à leur galerie de les communiquer directement sur Internet à http://www.artfacts.net.

Légendes photos

Laure Prouvost (à gauche). Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles et Motinternational, Londres/Bruxelles.

Camille Henrot (à droite) © Photo Joachim Bouaziz

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°432 du 27 mars 2015, avec le titre suivant : Les femmes font une percée dans l'Artindex

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