LONDRES / ROYAUME-UNI
Au Petit Palais, « Les impressionnistes à Londres » raconte surtout la vie des artistes réfugiés dans la capitale britannique après 1870.
Paris. Lorsqu’ils ont visité « Les impressionnistes à Londres » à la Tate Britain, à la fin de l’année dernière, les Anglais ont été désappointés : ils s’attendaient à voir de l’impressionnisme alors qu’il y en avait assez peu. Il y a fort à parier que le public, français ou étranger, sera aussi étonné par la version parisienne de l’exposition (par ailleurs la première organisée en été au Petit Palais). Car la référence à l’impressionnisme y est le fruit d’un malentendu.
Il est question de bien autre chose dans cette évocation du Londres des expatriés français entre 1870 et 1904 : de fuite, pour Monet qui refuse de partir à la guerre contre la Prusse ou pour Jules Dalou dont la tête est mise à prix en raison de sa participation à la Commune ; de réussite et de bonheur pour James Tissot qui rencontre dans la capitale britannique des clients et l’amour ; de pauvreté pour tous les artistes contraints d’émigrer, ne trouvant plus d’amateurs dans la France vaincue et exsangue des années 1870. « Les impressionnistes à Londres », c’est l’histoire d’une petite colonie qui se serre les coudes, du fair-play des artistes anglais ou des Français anciennement implantés dans la capitale britannique qui accueillent les nouveaux venus, de retournements de situation (le communard Dalou créant un monument pour les petits-enfants de la reine Victoria) et de misère aussi parfois, à Londres plus encore qu’à Paris. Les Monet, par exemple, ont eu la vie dure. Pissarro, plus âgé et un peu plus argenté que Monet partagea avec lui son rouleau de toile mais le jeune peintre ne put réaliser que six tableaux en huit mois.
Cette exposition, presque plus sociologique qu’artistique dans son propos, est très riche en œuvres. Elle commence par une entrée en matière dramatique, « Paris en guerre, Paris en ruines », avec un tableau de Gustave Doré provenant du Havre (MuMa), Sœur de la Charité sauvant un enfant. Épisode du siège de Paris (1870-1871). Une petite aquarelle de Tissot, L’Exécution des communards par le gouvernement français devant les fortifications du bois de Boulogne (29 mai 1871), est un reportage terrible (collection particulière). La partie « Le cercle des futurs impressionnistes » présente les œuvres de Monet et Pissarro qui, ainsi replacées dans leur contexte historique, prennent une dimension testimoniale. Dans le tableau de Monet intitulé Méditation (Madame Monet au canapé) (vers 1871), Camille semble cruellement désenchantée par sa vie londonienne.
« L’exil économique de Carpeaux » est étudié dans la salle suivante, puis deux salles sont consacrées à « James Tissot, l’anglophile » avant l’espace présentant Alphonse Legros, peintre et professeur qui trouva en Angleterre la reconnaissance qui lui manquait en France, et Jules Dalou qui y devint le maître de la nouvelle sculpture. Une magnifique galerie de « Portraits croisés » illustre les relations entre expatriés. La fin du parcours est consacrée au retour à Londres de Pissarro, Sisley et Monet, plusieurs années après leur premier séjour. Les commissaires y ont rassemblé des vues par Monet du Parlement et de la Tamise, exposées en 1904 à Paris par Paul Durand-Ruel. L’histoire se termine avec « Derain à Londres, hommage et défi », montrant quatre toiles du peintre qui partit en 1906 dans la capitale britannique sur les traces de Monet.
En près de 150 œuvres et documents, les commissaires, Isabelle Collet, conservatrice au Petit Palais, et Caroline Corbeau-Parsons, conservatrice à la Tate Britain, tracent un portrait vivant de la colonie d’artistes français à Londres. Portrait enrichi de cartels détaillés, de divertissantes illustrations audio (« Promenade sonore. Rendez-vous avec Arthur et Dorothy »), d’une scénographie élégante et d’un catalogue exemplaire.
jusqu'au 14 octobre, Petit Palais, Musée des beaux-arts de la ville de Paris, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°505 du 6 juillet 2018, avec le titre suivant : Les exilés à Londres pendant la commune