PARIS
L’exposition donne à « voir » ses travaux disparus grâce à ses archives ou des reconstitutions.
Paris. On oublie parfois que l’appellation complète de la Fondation Giacometti est « fondation et institut ». Ce dernier terme implique que le but de ce lieu – relativement – nouveau ne s’arrête pas aux expositions pointues liées au sculpteur italien, mais engage un travail de recherches fondé sur un fonds documentaire exceptionnel, pour mieux comprendre son processus créatif. Cette exposition – mais aussi l’important catalogue – est un bon exemple de ce patient effort pour exhumer les traces d’une œuvre dont une partie fut détruite ou perdue. Plusieurs manières sont employées ici pour rendre visibles les travaux disparus : des dessins préparatoires, des photographies d’archives, des carnets de notes ou encore des reconstitutions.
Cette plongée dans le passé donne parfois lieu à des surprises. De fait, un catalogue du 10e Salon de l’Escalier classe, en 1927, une sculpture de Giacometti comme futuriste quand la photographie de celle-ci, Composition, la seule exposée, est clairement dans la lignée de l’art africain. Plus important, on y découvre des travaux méconnus comme l’une des rares peintures de la fin des années 1920, Sculpture, 1927. Ce titre, comme les formes anthropomorphiques posées sur un socle, leur articulation avec l’espace, évoquent immédiatement les figures sculptées par Giacometti.
Résurrection des œuvres
Mais c’est la reconstitution à partir des croquis ou des photographies – une opération à la fois tentante et risquée – qui représente le clou de l’exposition. Ainsi, Mannequin (1932-1933), refait d’après un document provenant d’une exposition surréaliste, pourrait former un couple avec Femme qui marche I, datant des mêmes années. Ailleurs, c’est Objet surréaliste (1932), une roue prolongée par un triangle en bois et en cuivre, qui est complété à l’aide de croquis par Martial Raysse. Une fois n’est pas coutume, même ce spécialiste du kitsch, a capitulé devant la pureté des lignes de Giacometti. Enfin, l’Oiseau silence (1930-1933, voir ill.), cette magnifique rencontre entre délicatesse et violence, contient déjà la magie rêveuse du Palais à 4 heures du matin (1932). Cette dernière, dont le déplacement du MoMA à New York est interdit, sans être disparue, reste néanmoins inaccessible au spectateur français.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°542 du 27 mars 2020, avec le titre suivant : Le passé reconstruit de Giacometti