Art moderne

XXE SIÈCLE

La dynastie Giacometti, un concentré de talents

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 3 septembre 2021 - 518 mots

SAINT-PAUL DE VENCE

La Fondation Maeght réunit pour la première fois le clan des Giacometti dans un parcours chronologique qui met en avant le don artistique des membres de cette illustre famille, chacun dans son domaine de prédilection.

Saint-Paul de Vence. S’il fallait une preuve que la nature est injuste, celle-ci est apportée par la Fondation Maeght. Dans la tribu des Giacometti – le père, Giovanni, les trois frères, Alberto, Diego et Bruno, sans oublier le cousin, Augusto –, le talent semble inscrit dans l’ADN familial. Réunis pour la première fois – un exploit – par Peter Knapp, commissaire et auteur de l’ouvrage Les Cinq Giacometti (éditions Chêne, 2017), chacun parmi ces artistes a droit à son propre espace. En réalité, il s’agit de cinq expositions juxtaposées car, hormis les liens de sang, ces cinq créateurs ont peu en commun.

Respectueux de la chronologie, le parcours démarre avec le patriarche, Giovanni (1868-1933). Ce dernier, une célébrité en Suisse, reste peu connu en France. Ses paysages panoramiques dans un style post-impressionniste sont d’une luminosité éclatante. Plus rares sont les figures ; Alberto et Diego se baignant au bord d’un lac (sans date) est un joli clin d’œil à la famille.

Puis, c’est le tour de l’œuvre d’Augusto (1877-1947), le cousin, une véritable découverte. Ses toiles, d’un chromatisme exubérant, frôlent l’abstraction. Panneau de dessus de porte (1921) représente un monde floral imaginaire qui, à l’instar des Nymphéas de Claude Monet, est en train de se dissoudre. Plus étonnant encore est l’Étude de papillons – abstraction de couleurs (1921) où des papillons quasiment invisibles ne sont que le prétexte à un damier irrégulier de taches colorées.

Suit celui que l’on ne présente plus, Alberto (1901-1966), avec quelques dessins et surtout un choix important de sculptures. Même si maintes fois vues, on ne se lasse pas des Femmes de Venise, de ces figures enfermées dans leur mutisme, de ces corps écorchés dont l’intégrité est menacée en permanence. Ailleurs, L’Homme qui marche, particulièrement bien placé, n’a rien perdu de son pouvoir de fascination. Et, en toute logique aux côtés d’Alberto, on trouve son alter ego, son modèle de prédilection, Diego (1902-1985). Ce dernier collabore souvent avec son frère pour la production de pièces d’art décoratif, mais intervient également dans la phase finale des réalisations sculpturales – essentiellement l’application des patines. Cependant, un des mérites de l’exposition est de mettre en valeur l’activité principale de Diego : le design. Tâche d’autant plus facile que l’artiste a exécuté l’ensemble du mobilier de la Fondation. Réalisés en bronze, d’une finesse exceptionnelle, ces travaux sont souvent ornés par des sculptures d’animaux fantastiques (Table aux chimères, 1969).

Finissons avec la salle consacrée au cinquième membre du clan : Bruno (1907-2012). Architecte respecté dans son pays – on lui confie en 1952 la réalisation du pavillon suisse de la Biennale de Venise –, ses bâtiments, dont le style rappelle parfois l’esthétique du Bauhaus, s’intègrent dans le paysage. Selon les organisateurs, Bruno Giacometti, « fidèle à sa famille, sera également concepteur et commissaire pour des expositions sur le travail de son père Giovanni et de ses frères Alberto et Diego ». La boucle est bouclée.

Giacometti, une famille de créateurs,
jusqu’au 14 novembre, Fondation Maeght, 623, chemin des Gardettes, 06570 Saint-Paul de Vence.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°572 du 3 septembre 2021, avec le titre suivant : La dynastie Giacometti, un concentré de talents

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