Italie - Biennale

Le jardin extraordinaire de Julien Creuzet

Par Itzhak Goldberg · L'ŒIL

Le 28 mai 2024 - 511 mots

Au pavillon français, l’artiste entrelace sculpture, vidéo et poésie, plongeant le visiteur dans un univers ludique plûtot rare au cours de cette biennale.

Il semble que l’exception culturelle qui fait la réputation de la France n’ait rien perdu de sa magie : son pavillon demeure parmi les plus prisés à la Biennale. Qui plus est, cette année le regard du visiteur est captivé dès l’arrivée par une image projetée sur la façade extérieure du bâtiment. Une sculpture formée de statues antiques soutenant un globe terrestre – la fontaine des Quatre-Parties-du-monde, à Paris – vole joyeusement en éclat dans un jardin tropical luxuriant, comme libérée. Tout est dit avec ce télescopage entre ce monument, symbole d’un monde partagé entre pays colonisateurs, et la nature sauvage d’un ailleurs, réel ou fantasmé.En pénétrant dans le pavillon, les visiteurs sont plongés immédiatement dans un espace multi-sensoriel, où s’entrelacent sculpture, vidéo, poésie, musique et même des odeurs fleuries. L’installation est réalisée par Julien Creuzet (né en 1986), premier artiste franco-caribéen invité à représenter la France. Parlant de son projet – les commissaires en sont Cindy Sissokho, curatrice indépendante, et Céline Kopp, directrice du Magasin de Grenoble –, l’artiste affirme : « Ce que je désire proposer au public dans ce pavillon, c’est une zone de confluence complexe et sensorielle, une expérience à vivre profondément. C’est cela qui se joue au sein de cet espace pour moi. C’est un carrefour, un lieu où l’on peut tout rencontrer et surtout être face à soi-même. » Difficile d’être plus clair et plus vague à la fois.Certes, cette œuvre d’art total fonctionne parfaitement. Plongé dans un espace immersif, le spectateur se mue en explorateur et se déplace sur un terrain plein de surprises. Doté d’un talent décoratif indéniable, l’artiste réalise un semblant de forêt tropicale formée de cordages noués et de tissus suspendus de façon aléatoire. Au milieu de cet univers organique sont installés six écrans géants, où défilent des scènes subaquatiques féériques, des paysages exotiques et oniriques. Çà et là, des sculptures antiques à la dérive, tête à l’envers ou des êtres étranges flottent dans l’eau aux côtés des restes d’un vaisseau ou d’objets de consommation en plastique.

hybridation et juxtaposition

Puisant son inspiration dans l’œuvre des poètes martiniquais Aimé Césaire et Édouard Glissant et de leurs réflexions sur la créolisation, la migration et la figure de l’archipel, Creuzet crée un univers d’hybridations et de juxtapositions de différents horizons. Au cœur de son œuvre, la cataracte Attila qui a marqué son enfance est la source d’inspiration du poème qui deviendra le titre à rallonge du pavillon à Venise : « Attila cataracte, ta source aux pieds, des pitons verts, finira dans la grande mer, gouffre bleu, nous nous noyâmes, dans les larmes marées, de la lune. »Il est probable que le trop-plein de cet ensemble un peu éparpillé donne lieu à une certaine confusion. Difficile, en effet, de suivre les nombreuses associations personnelles de l’artiste et encore moins de saisir leurs sens. En revanche, l’aspect ludique de ce pavillon – un aspect très rare à la Biennale – est séduisant. C’est déjà ça.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°776 du 1 juin 2024, avec le titre suivant : Le jardin extraordinaire de Julien Creuzet

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque