BÂLE / SUISSE
À 59 ans, l’artiste américaine n’a rien perdu de sa verve et de sa capacité à engager le dialogue avec le public.
Il sera bâlois cette fois-ci puisque c’est la fondation Beyeler qui régale avec une rétrospective largement orientée sur ses dernières créations. Depuis la seconde moitié des années 1970, le texte constitue pour elle sa matière de prédilection, profondément polysémique. Fille spirituelle du mouvement conceptuel, elle n’a cependant jamais pu se départir d’une croyance inébranlable en la plasticité de ses œuvres et la possibilité d’un accord entre la beauté et la nécessité politique de l’art. S’appuyant autant sur le choc visuel de ses emplois typographiques et la force de ses phrases simples, entre réflexion prosaïque et philosophie zen, slogan engagé et confidence, Jenny Holzer alterne les supports et les formats.
Dans la très chic fondation suisse, les panneaux électroniques abondent. Au sol, en rangées jaunes c’est l’impressionnante For Chicago (2007), constituée de dix bandes jaunes, qui reprennent des textes rédigés entre 1977 et 2001. Sous la forme d’une colonne, il s’agit de Monument (2008) alternant des extraits de Truisms (1977-1979) et d’Inflammatory Essays (1979-1982), deux pièces historiques. Car ses œuvres conservent la même acuité, qu’elles disent la douleur ou de plus récentes situations géopolitiques désastreuses. Et puis l’artiste ne s’est jamais départie de la méthode virale de ses débuts, empruntée aux stratégies publicitaires. Jouant l’infiltration, Holzer ne prend aucun plaisir à raconter une histoire linéaire mais sait davantage tirer par la manche un passant, un visiteur, du lecteur « automatique » et blasé pour le rendre citoyen. Le flot ininterrompu des mots, permis par la technique des bandes à défilement dignes de la Bourse, répond parfaitement à la surinformation actuelle. Il symbolise aussi à la perfection l’urgence de reprendre conscience du monde qui entoure l’art. Son art de l’impact visuel sait ainsi parfaitement jouer des architectures, s’embusquer ou au contraire prendre ses aises partout où on l’invite, jusqu’en ville. La théâtralité, mais aussi la puissante séduction qui se dégage alors de telles situations font toujours des expositions d’Holzer des événements. Une capacité à se renouveler qui fait de cette exposition bien plus que le résumé d’une carrière, un rendez-vous.
« Jenny Holzer », Fondation Beyeler, Baselstrasse 101, Bâle (Suisse), www.beyeler.com, jusqu’au 24 janvier 2010.
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Jenny Holzer, toujours sur la brèche
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°619 du 1 décembre 2009, avec le titre suivant : Jenny Holzer, toujours sur la brèche