PARIS
Le Musée Jacquemart-André rend hommage au peintre classique. Une exposition axée sur l’esthétique de son œuvre plus que sur ses engagements politiques.
PARIS - Figure incontournable de l’art français, grand peintre d’Histoire, portraitiste hors pair, admiré et décrié, Jacques-Louis David (l748-1825) illumine aujourd’hui les cimaises du Musée Jacquemart-André. À l’inverse du Louvre et de Versailles, où fut organisée la rétrospective de 1989, l’institution et ses espaces exigus et intimistes ne pouvait accueillir des toiles monumentales comme Le Sacre ou Le Serment du Jeu de paume. « Trois orientations ont été fixées : rechercher des œuvres que le public français n’a pas l’occasion de voir fréquemment ; tracer des grilles de lecture dégagées de l’historiographie afin de laisser parler les œuvres, en considérant avant tout David peintre au-delà de l’homme public et de ses prises de positions politiques ; enfin montrer la cohérence de l’œuvre quels que soient son genre ou son époque de création », explique le conservateur du musée Nicolas Sainte Fare Garnot, précisant que le propos se veut « stylistique » plutôt que « biographique ». Pas de grands formats donc, mais une présentation à la hauteur de ses ambitions, avec de nombreux portraits, des esquisses et dessins préparatoires, et quelques prêts exceptionnels comme La Mort de Marat (1793), conservée aux Musées royaux des beaux-arts de Belgique, ou l’imposant Bonaparte franchissant les Alpes au Grand-Saint-Bernard (1801) appartenant au château de Versailles.
Sujets d’actualité
Les œuvres des débuts de David dans l’atelier de Joseph-Marie Vien et ses morceaux envoyés pour le grand prix de l’Académie royale de peinture amorcent le parcours, avec Le Combat de Minerve contre Mars (1771), Apollon et Diane tuant les enfants de Niobé (1772) ou l’esquisse préparatoire de La Mort de Sénèque (1773). Ces pièces pittoresques illustrent l’importance du style dit rococo dans la formation du jeune artiste. Puis en 1775, David part pour Rome, d’où il envoie les magistrales Funérailles de Patrocle (1778), sujet tiré de l’Iliade d’Homère. À son retour en France, en 1780, il a acquis un riche répertoire de formes et de sujets, et met en place un nouveau langage pictural. En témoigne Le Philosophe (1779), œuvre réaliste traité de manière dramatique, confrontée ici à une version de Bélisaire (1779), réalisée entre les premiers dessins et le tableau conservé à Lille. Lors de la période révolutionnaire, David traite des « sujets d’actualité » dont Marat assassiné (1791) constitue l’un des plus beaux exemples. Après son emprisonnement, David renonce à ses activités politiques et revient à une peinture plus intimiste, tel ce Buste d’homme dit Le Geôlier ou cet Autoportrait conservé au Louvre. Le dernier espace regroupe les œuvres peintes sous le Premier Empire et la Restauration. David est alors exilé à Bruxelles, où il réalise nombre de portraits (Pie VII, Suzanne Le Peletier de Saint-Fargeau, Zénaïde et Charlotte Bonaparte). Celui que Delacroix surnommait « le père de la peinture moderne » influencera les peintres de son temps.
Jusqu’au 31 janvier 2006, Musée Jacquemart-André, 158, bd Haussmann, 75008 Paris, tél. 01 45 62 16 40, www.musee-jacquemart-andre.com, tlj 10h-18h et 21h30 le lundi. Catalogue, 184 p., 39 euros, ISBN 2-35039-012-8. - Nombre d’œuvres : 60 - Commissaire : Nicolas Sainte Fare Garnot - Parmi les établissements prêteurs : Musée du Louvre, Musée national du château de Versailles, Musée du Petit Palais à Paris, Musée de Grenoble, Musée Fabre de Montpellier, Musées royaux de Belgique à Bruxelles, National Gallery of Ireland à Dublin, Galerie des Offices à Florence, J. Paul Getty Museum à Los Angeles...
1748 : Naissance à Paris.
1765 : Sur recommandation de François Boucher, il entre dans l’atelier de Joseph-Marie Vien.
1774 : Grand Prix de peinture avec son Antiochus et Stratonice.
1775-1780 : Séjour à l’Académie de Rome.
1781 : Agréé à l’Académie grâce à Bélisaire demandant l’aumône.
1785 : Succès du Serment des Horaces exposé au Salon.
1793 : Réalisation de Marat assassiné.
1798 : Premier portrait de Bonaparte.
1804 : Nommé premier peintre de l’Empereur, il reçoit la commande du Sacre (remis quatre ans plus tard). Banni pour avoir voté la mort de Louis XVI, il s’installe à Bruxelles.
1825 : Décès.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°223 du 21 octobre 2005, avec le titre suivant : Le faiseur d’histoire(s)