Photographie

Jacqueline Salmon et l’intimité cachée du Christ

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 22 septembre 2022 - 495 mots

ARLES

Pendant cinq ans, la photographe a enregistré les différentes formes de périzonium dans l’histoire de l’art. Une étude singulière révélée par le Musée Réattu à Arles.

Arles. Rien ne prédisposait Jacqueline Salmon (née en 1943) à s’intéresser aux diverses interprétations du périzonium, ce linge drapé autour des hanches du Christ crucifié. Elle en ignorait même le nom avant que le Musée des beaux-arts de Lyon ne l’invite à participer à l’exposition « Drapé », à l’hiver 2019. À la recherche d’un angle original, elle s’est intéressée à une carte postale du Musée du Prado reproduisant La Descente de croix de Rogier van der Weyden, dont le drapé ceinturant les hanches du Christ attira son attention. Cet élément déclencheur l’a conduite à travers l’Europe pour mener une enquête iconographique inédite sur l’évolution du traitement du périzonium dans l’histoire de l’art, du XIIIe siècle à nos jours. Aucun historien de l’art ou conservateur du patrimoine ne s’y était intéressé avant elle. Ce sujet non traité et pourtant au cœur des représentations du Christ, ce « point aveugle » pour reprendre le titre de l’exposition pourrait, à l’avenir, susciter une étude plus approfondie.

Pour l’heure, c’est le Musée Réattu, sous le commissariat d’Andy Neyrotti, qui le montre pour la première fois dans toute son ampleur, sans pour autant tomber dans l’écueil du catalogue austère. Au contraire, l’histoire de la représentation du périzonium, organisée par époques et manières de drapés, s’avère riche en variations insoupçonnées et étonnantes, du simple voile de pudeur à la plus affriolante guirlande de rubans. « La forme du pagne drapé du périzonium est apparue dans la représentation artistique autour du VIIIe siècle avant de devenir la norme à partir du IXe », précise Andy Neyrotti.

Un immense corpus photographique

« Inspirée par Aby Warburg et par les planches botaniques du scrapbook de Karl Blossfeldt, j’ai commencé par une étude préparatoire rassemblant des reproductions pour constituer des typologies, non par période, mais par style de drapé avant d’entamer un grand tour des musées européens et de photographier que les scènes de la Passion, explique Jacqueline Salmon. L’investigation qui s’étend jusqu’au XXIe siècle montre à quel point ce fragment, qui cache autant qu’il attire l’attention sur une partie délicate de l’anatomie, est un puissant révélateur des mentalités artistiques et religieuses des sociétés occidentales face à la représentation du corps christique, à la fois humain et divin. » L’introduction à cette thématique par une poignée de photographies disséminées dans le parcours permanent du musée s’avère une mise en dialogue avec les collections particulièrement fine, mais aussi troublante. Car le regard porté sur le périzonium est avant tout celui d’une photographe – et de sa démarche artistique – qui ne cherche pas simplement à reproduire, mais qui relève de l’interprétation. Si le protocole de prise de vue veut que le drapé soit toujours entier pour ne pas mentir sur son origine, le cadrage et le format du tirage laissent parfois voir tout autre chose qu’un périzonium, comme la sortie du bain d’une femme aux rondeurs voluptueuses…

Jacqueline Salmon. Le point aveugle. Périzoniums, études et variations,
jusqu’au 2 octobre, Musée Réattu, 10, rue du Grand Prieuré, 13200 Arles.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°594 du 9 septembre 2022, avec le titre suivant : Jacqueline Salmon et l’intimité cachée du Christ

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