Art moderne

« Il y a un seul maître, Camille Corot »

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 21 avril 2009 - 423 mots

Le chemin qui va du paysage historique aux impressionnistes passe, on le sait, par Camille Corot (1796-1875).

C’est l’un des premiers à libérer le paysage des scènes figurées, et corrélativement à peindre sur le motif, même s’il retravaille ses toiles en atelier. Le musée des Beaux-Arts de Reims, qui possède un très bel ensemble de Corot, entend étayer cette filiation tout en élargissant l’influence de ses dernières années à toute la peinture moderne. Mais autant la première partie de la démonstration est manifeste, autant la seconde est hésitante.

Les impressionnistes ont maintes fois reconnu leur dette à l’égard de Corot. « Il y a un seul maître, Corot. Nous ne sommes rien en comparaison, rien », disait Monet. Deux sections du parcours, hélas trop à l’étroit car inséré dans les espaces réduits des collections permanentes, en rendent compte avec pertinence. Corot est un grand amateur d’opéra, il y va toutes les semaines. Vincent Pomarède, co-commissaire de l’exposition avec David Liot, établit un lien dans la section 4 entre la construction de la scène (rideau, décor) et la composition originale de nombreux tableaux de Corot où un arbre, un rideau d’arbres apparaissent en premier plan. Ils masquent ainsi partiellement la vue sur la scène principale, tout en conférant à celle-ci mystère ou mélancolie. Une vue de Cagnes envahie par deux grands pins de Renoir, et une maison qui apparaît derrière une ligne d’arbres de Cézanne, témoignent de la reprise de cette construction par d’illustres suiveurs.

Une autre section, relative aux reflets sur l’eau, est encore plus manifeste de l’influence de Corot. Ses parents, des commerçants fortunés, acquièrent très tôt une résidence à Ville-d’Avray, à proximité de Paris. Corot, à la suite de Pierre-Henri de Valenciennes, un autre précurseur du paysage moderne, tente de peindre la surface de l’eau et les reflets du paysage environnant. Il a recours à la touche visible quand il s’agit de rendre le mouvement des vagues. Cette technique sera largement reprise par Renoir, et bien sûr Monet.

Plus discutable est la relation que veut bâtir l’exposition entre les « figures de fantaisie » de Corot et les odalisques de Matisse. Ou encore voir en Corot un précurseur de l’abstraction au motif que certaines de ses esquisses ignorent le sujet. Mais cela ne remet pas en cause la pertinence et l’attrait de l’exposition. Observer l’invention du paysage moderne est un délicieux plaisir.

« De Corot à l’art moderne : souvenirs et variations », musée des Beaux-Arts, 8, rue Chanzy, Reims (51), tél. 03 26 77 75 51, jusqu’au 24 mai 2009.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°613 du 1 mai 2009, avec le titre suivant : « Il y a un seul maître, Camille Corot »

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