LYON
Le Musée des Confluences dissèque les représentations occidentales des Indiens d’Amérique dans un parcours à la scénographie soignée.
Lyon. Depuis l’arrivée des premiers colons en Amérique du Nord, il y a cinq cents ans, la représentation de ses premiers habitants a nourri l’imaginaire européen. Dans nos romans, films, spectacles ou publicités, le « Peau-Rouge » est tour à tour bon sauvage ou guerrier sanguinaire. « Sur la piste des Sioux », au Musée des Confluences, examine tous ces clichés, de l’Atala de Chateaubriand au « Bison Futé » qui guide nos départs en vacances.
Au cœur du parcours, le visiteur se retrouve au milieu d’une grande piste évoquant le cirque ambulant de Buffalo Bill. À l’aube du XXe siècle, c’est le spectacle itinérant de ce chasseur de bisons qui cristallise la représentation européenne des Amérindiens. La tournée événement, qui fait étape en Amérique et en Europe, offre la vision d’Indiens menaçants, avec des guerriers fondant sur les diligences des colons. Premier spectacle d’envergure planétaire, le Buffalo Bill’s Wild West Show colore encore aujourd’hui notre perception des Amérindiens.
Dans cette arène, ce sont les pièces de la collection de François Chladiuk qui permettent de voir cette fiction sous un autre œil. Acquis en 2004, cet ensemble de 157 pièces de costume portées par des acteurs amérindiens du spectacle a mené le collectionneur jusqu’à leurs descendants directs, dans le Dakota du Sud. Au Musée des Confluences, les tenues traditionnelles des Amérindiens se retrouvent associées à des noms, parfois des photographies qui redonnent une humanité à ceux qui n’étaient alors que des figurants. Dans cette partie centrale de l’exposition, le visiteur est plongé dans l’ambiance et l’histoire du Buffalo Bill’s Wild West Show, grâce à une scénographie immersive particulièrement réussie, tout en étant invité à reconsidérer les clichés tenaces que le spectacle a implantés dans la mémoire collective. En amont de ce chapiteau central, c’est une section presque « beaux-arts » qui retrace les premières représentations des Indiens d’Amérique du Nord, oscillant entre bienveillance et méfiance, réalisme et caricature. On y découvre les travaux de Karl Bodmer et de George Catlin, qui témoignent d’une curiosité et d’une volonté de préservation à l’égard des cultures amérindiennes.
Après le phénomène Buffalo Bill et son arène de sable, les westerns et la culture populaire prennent le relais des représentations amérindiennes. La dernière partie du parcours traite de ce regard, qui glisse progressivement de la figure du guerrier sauvage vers celle du sage connecté aux éléments de la nature ; la multiplicité des exemples témoigne de la persistance de ces clichés.
Sans forcer sur le commentaire de ces images éculées, l’exposition lyonnaise parvient à les désamorcer, notamment par leur confrontation à la réalité des rapports de force entre Occidentaux et premiers occupants de l’Amérique. Chacune des salles s’ouvre ainsi sur une « borne américaine » présentant une carte des territoires amérindiens qui se réduit bientôt à peau de chagrin, et relatant les divers événements qui ont marqué la conquête de l’Ouest. Au visiteur de faire le lien entre la période des premiers contacts, marquée par des échanges commerciaux émaillés de conflits, et les premières représentations parfois idéalisées de l’Indien. Ou entre la politique ethnocidaire, visant l’appropriation des terres indiennes, et le spectacle de Buffalo Bill, contemporain de ces exactions.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°581 du 21 janvier 2022, avec le titre suivant : Histoire du regard sur les Amérindiens