Amateur d’art et collectionneur, le patron de l’entreprise Vilac,
installée dans le Jura depuis 1911, fait le choix de s’associer à des artistes
pour créer certains de ses jouets en bois.
L’œil : Comment vous êtes-vous retrouvé à la tête de la firme Vilac ?
Hervé Halgand : En 1975, je suis sorti de l’École supérieure des arts appliqués Duperré et je me suis trouvé contraint de gagner tout de suite ma vie. J’ai aussitôt travaillé comme représentant chez Vilac. Cela a duré une dizaine d’années, ce qui m’a permis de connaître le petit monde de l’industrie du jouet en bois. Quand les affaires ont périclité, j’ai racheté l’entreprise parce que j’étais persuadé que le jouet en bois serait un objet résistant face à la vague technologique. J’ai cherché à raviver l’esprit de création. Quelques années plus tard, Vilac était remis sur les rails et j’ai racheté son unique concurrent, Petitcollin.
L’œil : Votre catalogue énonce des noms d’artistes, notamment ceux de Keith Haring, Hervé Di Rosa, Yoshitomo Nara… Comment sont nées ces collaborations ?
H. H. : J’ai toujours pensé que les artistes affectionnaient les images simples, celles qui font signe immédiatement. C’est le cas du jouet. De plus, il leur offre quelque chose d’une poésie qui les rapproche de l’âme enfantine et ils aiment ça. J’ai tout d’abord repris la ligne de Babar, avec l’accord de son créateur, Laurent de Brunhoff, puis j’ai rencontré Keith Haring et c’est grâce à eux deux que j’ai remonté la pente.
Pour Vilac, Haring a dessiné toute une gamme de produits dont la Chaise rouge, la Bascule blanche, les Yo-Yo rouge, noir, vert et rose. Le Domino blanc qui décline tout son vocabulaire formel a été un véritable must ; on en a vendu des milliers d’exemplaires au MoMA à New York.
L’œil : Curieusement vous ne possédez pas d’œuvres de Keith Haring dans votre collection personnelle, mais de Basquiat. Pourquoi ?
H. H. : Mes relations avec Haring étaient professionnelles, son travail se prêtant particulièrement bien à la transcription en jouet. Basquiat, c’était différent. C’est Philippe Briet, un jeune galeriste français qui était installé à New York, qui m’a permis de le rencontrer. Il était très proche de lui et nous allions souvent le visiter. Basquiat aimait beaucoup les jouets et il en achetait souvent, pas tant pour lui que pour les offrir à son entourage. Il adorait fouiller dans les catalogues de ventes, aussi je lui faisais envoyer les nôtres et il nous passait commande.
L’œil : Vous possédez un dessin de Basquiat plutôt surprenant qui représente Babar. Lui avez-vous demandé de s’y intéresser ?
H. H. : Non. C’est un dessin qu’il avait fait et qu’il m’a donné à l’occasion d’une visite. Cela m’a beaucoup touché puisque c’est avec Babar que Vilac a repris son souffle. Mais le travail de Basquiat n’était pas vraiment susceptible de trouver une expression dans les jouets. À la différence de Nara ou de Di Rosa, par exemple, dont les formes étaient réduites à leur plus simple expression, comme My Sweet Dog du premier ou la Chenille du second.
L’œil : Lorsque vous travaillez avec un artiste, lui soumettez-vous un cahier des charges précis ?
H. H. : Non. À nous de faire que ce qu’il nous propose respecte les normes. Si elles peuvent être parfois très contraignantes, on trouve finalement toujours la réponse parce que nos jouets sont extrêmement simples. C’est dans cet esprit-là que j’ai ouvert la ligne de jouets Calder. Il n’y a rien de plus sobre que le puzzle Chat noir, le Poisson ou le Kangourou à tirer.
L’œil : En quoi la signature d’un artiste impacte-t-elle les ventes ?
H. H. : La clientèle qui se porte sur les jouets signés est évidemment une clientèle d’amateurs d’art qui tient à offrir à ses enfants un environnement artistique de qualité. Cela a toujours été ainsi et Vilac, qui est une maison centenaire, l’avait bien compris en recourant très tôt à des créations d’artistes comme Caran d’Ache, Benjamin Rabier ou Sonia Delaunay.
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Hervé Halgand : « Le jouet offre aux artistes une poésie enfantine »
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°641 du 1 décembre 2011, avec le titre suivant : Hervé Halgand : « Le jouet offre aux artistes une poésie enfantine »