FONTAINEBLEAU
Le château fait revivre les festivités organisées par Catherine de Médicis et tourner les têtes des visiteurs avec la monumentale Tenture des Valois.
Fontainebleau (Seine-et-Marne). L’ambiance est festive au château, et ce n’est pas seulement parce qu’il vient d’inaugurer la restauration très attendue de son fameux escalier en fer à cheval. Non moins attendue en effet, l’exposition « L’art de la fête à la cour des Valois », sur laquelle la conservatrice Oriane Beaufils planche depuis son arrivée en 2016, donne corps à un pan de la création renaissante oblitéré, puisque éphémère. Les grandes fêtes données sous la régence de Catherine de Médicis ou de son fils, Henri III, mobilisent pourtant les plus grands noms artistiques de la cour : Primatice pour le décor, Philibert Delorme pour l’architecture, Pierre de Ronsard pour les livrets…
Pour redonner vie à ces fastes oubliés, l’exposition bellifontaine prend appui sur la Tenture dite « des fêtes des Valois », un chef-d’œuvre tissé qui donne une idée de la démesure et de l’inventivité des fêtes organisées par Catherine de Médicis pour « tenir les Français joyeux et occupés ». Le parcours est axé autour d’un triangle de cimaises orange sur lequelles sont tendues trois des huit tapisseries qui forment ce cycle, déployant les programmes décoratifs et spectaculaires de ces fêtes, mais aussi leur sous-texte politique, incarné par les membres de la toute jeune dynastie des Valois, représentés au premier plan (un cas unique dans la tapisserie). Pour n’évoquer que la seule tenture représentant la fête de l’Adour, celle-ci décrit le spectacle surréaliste d’une baleine mécanique attaquée par des équipages armés de lances, pendant que sur les berges du fleuve qui traverse le Béarn, comme sur un somptueux navire d’apparat, le public se délecte du spectacle.
Souvent regardées rapidement par les visiteurs des musées, qui les perçoivent comme un élément de décoration, les tapisseries soutiennent le propos de l’exposition, et révèlent leur riches iconographie et composition. Cette mire domine le parcours dont les différentes sections abordent chacune un élément constitutif de ces événements festifs.
En toute logique, l’exposition s’ouvre sur le thème des entrées royales, en invitant d’ailleurs le visiteur à emprunter celle, reconstituée, qui marque le début du parcours. Les entrées royales, pour lesquelles les villes du royaume rivalisent d’originalité et de somptuosité, ne vivent que quelques heures. Mais on comprend, à travers les études préparatoires et le langage intellectuel complexe développé sur leurs décors, empruntant à Pétrarque comme à Virgile, que l’investissement des artistes et des commanditaires est au moins égal, sinon supérieur, à celui fourni pour la commande pérenne d’un décor peint ou d’un groupe de sculptures. Les costumes fantasmagoriques (et parfois carrément comiques) portés par le souverain et sa cour lors des mascarades demandent tout autant de travail, dans leur conception comme dans leur réalisation. Il faut voir ici l’ensemble des esquisses pour prendre la mesure de la créativité de ces déguisements… et pour tenter d’imaginer François Ier pénétrant la salle de bal de Fontainebleau grimé en crevette.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°591 du 10 juin 2022, avec le titre suivant : Fontainebleau tire le fil des fêtes Renaissance