BLOIS
« La Renaissance des femmes » retrace l’influence de trois femmes à la cour de France, dans une période marquant les débuts d’une revendication du pouvoir au féminin.
Blois (Loir-et-Cher). Alors que Catherine de Médicis est à la fête au château de Fontainebleau, on la découvre sous les traits de la « reine noire » dans une grande peinture d’histoire datée du XIXe siècle qui ouvre l’exposition du château de Blois. En dépit de cette entrée en matière, ce n’est pas la légende noire qui est ici contée une énième fois : il s’agit plutôt de revenir sur l’étendue du pouvoir de cette femme au XVIe siècle, tout comme sur le rôle majeur joué par Diane de Poitiers et Marguerite de Valois.
Ces trois femmes incarnent à Blois la thèse qui sous-tend l’exposition : au sortir du Moyen Âge, la Renaissance marquerait le début de l’accès des femmes à une position de pouvoir. Des pionnières ouvrent la voie dès le XIVe siècle, telles Anne de France et Louise de Savoie qui s’imposent dans le domaine de la diplomatie. Venu des Archives nationales, l’original de la « paix des Dames » témoigne des effets de cette influence diplomatique : mettant un terme à la guerre qui oppose Charles Quint à François Ier, le traité est négocié puis ratifié par Louise de Savoie, reine mère de France, et Marguerite d’Autriche, tante de l’empereur Habsbourg.
Dans un déroulé simple et direct, le parcours blésois confie à chacune des trois figures convoquées un aspect du pouvoir. Culturel et intellectuel pour Marguerite de Valois, il est politique pour Catherine de Médicis, mais plus ambivalent pour Diane de Poitiers avec son statut de favorite. Mais avant de présenter les prérogatives comme les limites à l’autorité de ces femmes, quelques rappels semblent nécessaires. Chacune des sections met ainsi en évidence une œuvre illustrant les déformations de l’image de ces femmes, sédimentées dès le XVIIe siècle, et fixées par l’art ou la littérature au cours du patriarcal XIXe siècle, puis amplement relayées au XXe par le cinéma ou la bande dessinée.
Limitée aux figures de l’élite régnante et proches de la Cour – un choix assumé, pour ne pas marcher sur les plates-bandes d’expositions prévues ailleurs dans le Val de Loire –, cette proposition parvient à illustrer en trois dimensions un sujet historique et social. Ainsi de la séquence sur Diane de Poitiers, présentant costumes de cinéma, archives anciennes, toiles renaissantes ou parures pour rendre compte de la naissance d’une notion encore prégnante aujourd’hui, celle du « sexe faible ». Associer la féminité à nombre de troubles psychologiques comme physiologiques contribue à dévaloriser les femmes de pouvoir. À l’instar de Marguerite de Valois, restée pour la postérité comme la funeste reine Margot. La robe d’Isabelle Adjani tachée de sang, sur l’affiche du film de Patrice Chéreau (1994), fixera pour longtemps l’image d’une reine sanguinaire : l’un des costumes portés par l’actrice ouvre cette séquence, avant de donner une vision historiquement plus juste de cette reine intellectuelle, représentative d’une génération de femmes de lettres dont l’influence n’est, aujourd’hui encore, pas reconnue à sa juste valeur.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°591 du 10 juin 2022, avec le titre suivant : À Blois, trois femmes de pouvoir