Pour son exposition inaugurale, le Louvre-Lens met en lumière les mutations artistiques de la Renaissance, de l’Italie aux Pays-Bas en passant par la France et l’Allemagne.
Déployée en miroir de la galerie du Temps, de ses parois en aluminium et de sa scénographie décloisonnée, la galerie des expositions temporaires est la sagesse incarnée. Plus petit, l’espace est conçu pour être modulable et s’adapter à une programmation semestrielle susceptible d’aborder des sujets en dehors du champ du Louvre. Pour faire écho à l’inauguration du musée dans une contrée touchée par la crise (sociale, culturelle et environnementale), Laurent Busine directeur du Musée des arts contemporains du Grand Hornu, et membre du conseil scientifique du Louvre-Lens, a glissé l’idée de la Renaissance.
Chargée du projet par Henri Loyrette, Geneviève Bresc-Bautier a eu pour seule consigne de faire sa sélection dans les collections du musée parisien – l’état de conservation des œuvres très fragiles de cette période est bien entendu entré en jeu. « Déformation professionnelle » oblige, la directrice du département des sculptures au Louvre n’a pas cédé à la tentation de réduire le sujet à la peinture. Pour tordre le cou à l’image répandue auprès du grand public selon laquelle la Renaissance serait née en Italie avant de s’étendre au reste de l’Europe, Geneviève Bresc-Bautier a imaginé un parcours transversal, où se répondent et correspondent le Nord et le Sud.
Une aventure européenne
Tandis que Florence a pleinement conscience d’assister à sa propre renaissance en amorçant un retour vers l’Antique, les Pays-Bas opèrent une évolution vers l’objectivité, le réalisme de la vie quotidienne et de l’espace dépeint. Se basant sur cette dichotomie, l’exposition s’intéresse à la Renaissance comme un phénomène européen, une mondialisation avant l’heure qui a vu fleurir échanges et interpénétrations en tous genres. L’écueil d’une chronologie forcément bâclée est donc contourné, en faveur d’un éventail thématique des grands sujets qui caractérisent la période et ses différents foyers. Et pour illustrer les innovations techniques (la gravure, les arts du feu, l’horlogerie, la tapisserie), les évolutions de la société (l’humanisme, le rôle de l’artiste, le mécénat…), l’inspiration puisée dans le passé, ou la circulation des idées à la faveur de voyages effectués par les artistes, les richesses du Louvre paraissent inépuisables. Si l’architecture n’est présente qu’au travers de l’invention de la perspective, la musique a volontairement été éludée. Citons pêle-mêle l’Erasme de Holbein, L’Annonciation de Van der Weyden, le gisant de Catherine de Médicis par Della Robbia, ou encore la Vénus de Cranach. Auxquels s’ajoutent de beaux exemples de dialogues entre œuvres, à l’image du Portrait de François Ier par Titien, présenté aux côtés de la médaille d’après Cellini qui l’aurait inspiré.
Une démonstration complète
Les œuvres graphiques, absentes de la galerie du Temps pour des raisons de conservation, ont d’ailleurs la part belle. Ainsi, l’Arc de triomphe de Maximilien de Habsbourg a été reconstitué à partir des trente-six gravures de Dürer habituellement brochées dans un seul ouvrage – l’Albertina à Vienne n’en présente qu’un fac-similé. Quelques rares prêts étoffent la démonstration, à l’image des livres de médecine provenant notamment de la Bibliothèque nationale de France, dans la partie sur la redécouverte du corps élaborée par le neurologue Jean-Pierre Changeux – à sa suggestion, plusieurs gravures figurées dans les ouvrages de médecine présentés en vitrine sont reproduites le long des murs de la salle en abside. Enfin la period room voulue par Henri Loyrette présente boiseries, mobilier et pavement en faïence prêtés par le Musée national de la Renaissance à Écouen et les Arts décoratifs. La scénographie signée Adrien Gardère (auquel le Louvre a confié le projet d’Abou Dhabi) multiplie les confrontations intimes dans des salles de taille modeste, les couleurs franches et les perspectives, pour un résultat très rythmé. Le tout est sublimé par les vitrines et socles en bois brut dessinés par le muséographe qui s’est inspiré du mobilier Renaissance.
Fatalement, l’exposition ne fait que survoler la période. Qui trop embrasse, mal étreint ? L’adage ne s’applique pas ici. La démonstration ambitieuse est sauvée par la pertinence de ses choix – une parenthèse sur la formation des artistes et le fonctionnement des ateliers n’auraient cependant pas été de trop. Sur le plan de la médiation, l’accent a été mis sur la diversité des manières de voir : médiateurs, audioguide sur smartphone mis à disposition, livret d’accompagnement, chronologies illustrées, animations multimédias…. Pour enrober le tout, la programmation de La Scène, l’auditorium du musée, associe aux grands noms de la Renaissance (Rabelais, Ronsard, Léonard) conférences, spectacles, concerts, un banquet littéraire et même un bal costumé ! Il en faut décidément pour tous les goûts...
Jusqu’au 11 mars 2013. Catalogue, coédité par le Louvre-Lens et Somogy, 352 p., 300 ill., 39 €
Commissaire : Geneviève Bresc-Bautier, directrice du département des Sculptures au Musée du Louvre
Muséographie : Adrien Gardère Studios
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La Renaissance en quelques trésors
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°380 du 30 novembre 2012, avec le titre suivant : La Renaissance en quelques trésors