BARCELONE / ESPAGNE
Le Musée Picasso de Barcelone convie la muse et compagne de l’artiste pour un témoignage de l’époque.
Barcelone (Espagne). En 1933, Fernande Olivier (1881-1966) publie le récit de sa vie avec Pablo Picasso dans un ouvrage intitulé Picasso et ses amis. Une première exposition, présentée à l’automne 2022 au Musée de Montmartre sous le titre « Fernande Olivier et Pablo Picasso, dans l’intimité du Bateau-Lavoir », avait déjà pour ambition de remettre en lumière la figure oubliée de Fernande Olivier, premier grand amour et muse de Picasso, dans le cadre de la Célébration Picasso (1973-2023). Au Musée Picasso de Barcelone, le récit est similaire, mais c’est une première en Espagne.
Si Fernande Olivier est principalement connue pour avoir été la compagne de Picasso de 1905 à 1912, Amélie Lang, de son vrai nom, était d’abord modèle professionnel pour de nombreux artistes au Bateau-Lavoir, dans le quartier parisien de Montmartre où elle s’installe en 1902. L’exposition s’ouvre sur des photographies de ce havre célèbre de la bohème artistique et rassemble de nombreux portraits de Fernande réalisés par son cercle d’amis. Elle présente ainsi des portraits signés par Kees van Dongen (1877-1968), Marie Laurencin (1883-1956), Joaquín Sunyer (1874-1956) et par le peintre italien Ubaldo Oppi (1889-1942), avec lequel elle partage quelque temps sa vie après sa séparation d’avec Picasso, issus notamment des collections des musées Picasso à Paris, Reina-Sofía et Thyssen-Bornemisza à Madrid.
Fidèle à sa direction artistique, le musée barcelonais place Picasso au cœur du récit dans la salle consacrée à sa relation avec Fernande Olivier. Les « années Fernande », ce sont celles de sa période rose (1904-1906), qui tient son nom de la teinte à ce moment-là dominante dans ses œuvres, mais ce sont celles aussi d’un primitivisme marqué, pendant lesquelles l’artiste espagnol réalise de nombreuses sculptures à l’effigie de sa muse. Parmi elles, la Tête de femme (Fernande) en 1907, inspirée du masque Fang emprunté au peintre André Derain et issu de l’art traditionnel du Gabon. Il peint aussi son célèbre Nu sur fond rouge (1906), qui trône au centre de la salle et annonce déjà l’effacement à venir de Fernande. Car si le modèle est intrinsèquement lié à l’émergence du cubisme, la personne est rapidement mise de côté par l’artiste, à mesure que grandit le succès de celui-ci.
La dernière salle redonne néanmoins une place de choix à Fernande Olivier dans l’histoire des avant-gardes parisiennes, en sa qualité d’autrice et plus modestement d’artiste. À des archives portant sur ses célèbres ouvrages Picasso et ses amis et Souvenirs intimes. Écrits pour Picasso (1988, Calmann-Lévy), s’ajoutent des carnets de notes et des lettres inédites, accompagnés de quelques toiles sans prétention qui ont le mérite de dévoiler ses sujets de prédilection, des natures mortes et surtout des portraits de femmes.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°637 du 5 juillet 2024, avec le titre suivant : Fernande Olivier, dans l’ombre de Picasso