Du côté de chez Fernande et Pablo

Lorsque débute leur histoire d’amour, en 1905, Picasso délaisse les couleurs mélancoliques de la période bleue pour des teintes roses, et les familles pauvres et errantes cèdent sur ses toiles la place aux arlequins et aux saltimbanques. Ouvrant la célébration du cinquantième anniversaire de la disparition de l’artiste, le Musée de Montmartre rend hommage à Fernande Olivier, étrangement presque oubliée. Pourtant, dans son ouvrage Picasso et ses amis, paru en 1933, elle livrait un précieux témoignage sur la vie des artistes du Bateau-Lavoir, et ses Souvenirs intimes publiés à titre posthume racontaient sa vie et son grand amour avec le père du cubisme. S’inspirant de ces livres, l’exposition relate dans un parcours à la fois chronologique et thématique les sept années que Fernande vécut au Bateau-Lavoir, de 1905 à 1912, à travers près de 80 pièces – œuvres de Picasso et de ses amis Apollinaire, Braque, Derain, Laurencin, le Douanier Rousseau, Matisse, Max Jacob ou Van Dongen, et des documents d’archives. « J’ai vécu de leur existence, je les ai vus vivre, penser, souffrir, espérer et surtout travailler ; vivant, pensant, souffrant, espérant avec eux. Je peux donc, sans craindre de voir mal interpréter mes souvenirs, montrer leur vie secrète et laborieuse », écrit-elle. Dans le musée montmartrois implanté à quelques minutes à pied du Bateau-Lavoir, on devient comme les invités de Fernande, cette jeune femme aux yeux en forme d’amande et au chignon noir, que l’on reconnaît dans les peintures de Picasso et de Kees Van Dongen. Ponctué de citations des textes de Fernande, révélant l’acuité de son regard et son talent littéraire loué par Paul Léautaud, le parcours nous donne ainsi de goûter en sa compagnie au quotidien de la « bande à Picasso », en même temps qu’il lève un voile sur le métier de modèle qu’exerça Fernande, avant sa mise en ménage avec l’Andalou…