Les œuvres et la scénographie de La Friche de la Belle de Mai ne sont pas d’un accès aisé.

Adagp Paris 2025
Marseille. La Friche la Belle de Mai a coproduit avec la Fondation Groupe EDF une exposition qui fait le vœu de donner à voir et à penser l’écologie. Pour son commissaire, Paul Ardenne, auteur de Un art écologique. Création plasticienne et anthropocène (2019), l’ambition est « d’affermir les prises de conscience en faveur du combat écologique ».
« Âmes vertes – Quand l’art affronte l’anthropocène » réunit vingt-sept « âmes vertes », vingt-deux plasticiens et cinq architectes. Qu’entend l’historien d’art par « âmes vertes » ? Voici ce que l’on peut lire sur un des murs de l’exposition : « “L’âme verte” se fait ce devoir : retisser dans un élan de sincérité, une relation perdue avec le “vivant” – tout à la fois le biotope, la biosphère et le cosmique – en réduisant autant que faire se peut notre dépendance moderne au monde artificialisé, cet univers de nos quotidiens où plus rien ou presque de “naturel” ne reste. » Si à travers ces mots, le commissaire intime le public à devenir lui-même une « âme verte », quel effet l’exposition et les œuvres produisent-elles sur celui-ci ?

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Renouer avec la nature, c’est le projet depuis maintenant plus de vingt ans d’Erik Samakh (né en 1959) que l’on connaît pour s’être intéressé aux sons de la forêt. Dans la vidéo Le Sanglier daguet (2022), l’artiste revêtu d’une fourrure et recouvert de végétaux fait corps avec le « vivant ». Recourir au matériau naturel, c’est le dessein de Louisa Raddatz (née en 1990) qui pare de végétaux (fleur de coco, lichen, palmier…) sa Maison des vivants (2022) (voir ill.), des modules en forme d’alvéoles évoquant la ruche. Ouvrager le matériau naturel, c’est le principe de l’installation Faire fleurir le salon (2023-2024) de Tiphaine Calmettes (née en 1988) qui utilise la cire d’abeille pour réaliser des abat-jours ou encore de la terre crue pour créer des assises.

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La majeure partie des œuvres de l’exposition illustre cette typologie définie par Paul Ardenne dans le catalogue. On peut regretter que celle-ci ne soit pas clairement énoncée dans les salles pour permettre une meilleure lisibilité des œuvres. Malgré la présence de cartels très détaillés précisant les intentions des artistes, l’absence de parcours rend par ailleurs la lecture du propos et des œuvres souvent difficiles. Si certaines d’entre elles peuvent faire appel à la sensibilité du public (la fresque de Suzanne Husky sur le rôle des castors, le film de Lucy et Jorge Orta sur les oiseaux en voie d’extinction), et, par là même, le sensibiliser à l’écologie, pour la plus grande part, la lecture du cartel est indispensable pour comprendre la visée des œuvres. Par conséquent, le spectateur non initié à l’usage de celui-ci passe à côté de l’œuvre et de l’exposition. « Âmes vertes – Quand l’art affronte l’anthropocène », pourtant mue par les meilleures intentions, n’atteint pas sa cible.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°650 du 28 février 2025, avec le titre suivant : Convertir des « Âmes vertes » ? Pas facile !