PARIS
Sur le rond-point des Champs-Elysées, six fontaines lumineuses en cristal et bronze de 13 mètres vont changer le visage d'un des plus célèbres carrefours au monde : les designers Erwan et Ronan Bouroullec ont opté pour la verticalité et la légèreté.
Le 21 mars, elles commenceront leur lente rotation dans une symphonie de reflets du ciel et de la rue, de jour comme de nuit. Les matériaux retenus sont un alliage de bronze et d'aluminium (utilisé pour construire les hélices des sous-marins), et le cristal, "parce que le verre est déjà partout dans Paris", explique l'aîné des deux frères, Ronan Bouroullec, qui a reçu l'AFP dans son atelier de Belleville.
Ces fontaines quasi transparentes au point de sembler immatérielles, qui ne seront en eau qu'entre avril et octobre, s'éclaireront la nuit, durant toute l'année. Pas moins de 5.360 pièces les constituent. Trente-cinq entreprises, notamment des PME (250 personnes au total), y ont travaillé depuis trois ans. C'est la première fois que du cristal est utilisé pour une installation permanente en ville : le célèbre cristal Swarovski de l'entreprise éponyme de Wattens dans le Tyrol autrichien, qui a pris en charge toute la partie lumière du projet. La résistance de ce verre, qui décompose la lumière interne et externe - celle du ciel, des rayons, des phares, des feux de signalisation -, a été longuement testée : "on a mené un travail de dentiste sur chaque pièce de cristal", raconte le designer.
« Un iceberg »
Il a fallu le rendre résistant aux intempéries, aux chocs, à la pollution. 3 060 pièces à 14 facettes, illuminées de LED pour donner l'illusion que les cristaux ne forment qu'un mouvement continu avec l'eau. "Ce projet est un iceberg", résume le designer. La moitié du budget de 6,3 millions d'euros a servi à recréer un système hydraulique souterrain à l'arrêt depuis vingt ans : d'énormes socles métalliques par où passe l'eau, sans compter un complexe appareillage électrique.
Ce projet a été financé à 100 % par le mécénat privé par l'intermédiaire du Fonds pour Paris, créé en 2015. La maquette avait été approuvée en 2016 par la maire de Paris, Anne Hidalgo. "Les fontaines sont associées aux moments de joie. Nous avons voulu produire du merveilleux subtil, pas grossier, sans recherche de spectaculaire. Ces six pièces tournent en chorégraphie" sur un rond-point où tournent les voitures, note Ronan Bouroullec.
Chaque fontaine a un mât central en bronze. Des bras de bronze horizontaux y sont fixés, eux-mêmes soutenant trois branches lumineuses verticales en cristal qui se rejoignent à leur sommet comme des arêtes d'un toit. Ces branches sont suspendues à quatre mètres au-dessus du sol, donc moins susceptibles de subir des actes de vandalisme.
De la « Gerbe » aux Bouroullec
Alimentées par le réseau d'eau potable de la ville, les fontaines des Champs-Elysées ont une longue histoire. Il y avait une fontaine centrale avec un grand jet d'eau, baptisé "la Gerbe", créée en 1817 par Jacques Ignace Hittorff. Gênant la circulation, elle était démolie en 1854 et la place redessinée selon les plans de l'ingénieur Adolphe Alphand. Six petits bassins périphériques voyaient le jour entre 1858 et 1867, surmontées d'autant de fontaines, au moment des chantiers urbains du Baron Haussmann. En 1932, six fontaines plus fragiles en verre, avec éclairage incorporé, étaient réalisées par le maître verrier René-Jules Lalique. Elles devaient être remplacées en 1958 par un autre ensemble en verre plus sobre imaginé par Max Ingrand. L'immense foule saluant la victoire des Bleus au Mondial-1998 devait finir d'avoir raison de ces fontaines qui se dégradaient.
Les deux frères bretons se sont fait connaître pour leurs audaces dans le mobilier, comme leur fameux Lit clos en 2000. Ils sont aussi les auteurs en 2013 de l'élégant Lustre Gabriel, immense collier lumineux et première œuvre contemporaine à être exposée de manière permanente au Château de Versailles.
Cet article a été publié par l'AFP le 4 mars 2019.
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Six fontaines lumineuses de 13 mètres sur les Champs-Elysées : le choix de la verticalité
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