Allemagne - Disparition

Rebecca Horn, l’artiste de l’inlassable métamorphose

Par Sara Genin · lejournaldesarts.fr

Le 11 septembre 2024 - 591 mots

Elle est décédée vendredi dernier laissant derrière elle une œuvre protéiforme qui a marqué l’art du milieu du XXe siècle.

L’artiste berlinoise Rebecca Horn est décédée le 6 septembre à 80 ans dans son Allemagne natale. Son œuvre reste inclassable bien que les critiques aient essayé de la ranger dans différentes catégories : surréalisme, body art, art cinétique. Les performances et les sculptures de l’artiste sont autant d’objets poétiques non identifiés qui éprouvent les métamorphoses érotiques et traumatiques du corps.

« Théâtre des métamorphoses », la dernière exposition personnelle de Rebecca s’est tenue au Centre Pompidou en 2019. L’exposition explorait les liens de l’artiste avec le 7e art qu’elle affectionnait particulièrement et avec les artistes surréalistes auxquelles elle a souvent été associée. Rebecca Horn n’avait pas eu d’exposition personnelle en France depuis 25 ans.

Née en 1944, Rebecca Horn étudie à l’Ecole des beaux-arts de Hambourg avant d’installer son atelier à Berlin. Elle commence à réaliser des performances dans les années 1970, influencée par Dada et le surréalisme mais aussi par Pier Paolo Pasolini, Luis Buñuel, Buster Keaton et le cinéma underground d’Andy Warhol qu’elle découvre aux beaux-arts. L’artiste a été une des premières femmes à avoir une exposition personnelle au Musée Guggenheim en 1993.

Celle qui appellera une de ses œuvres « la douce prisonnière » fut contrainte de s’enfermer dans un sanatorium pendant un an après une intoxication pulmonaire dans son atelier. Cette expérience d’enfermement reviendra comme une douleur somatique qui structurera toute son œuvre sculptée et performative. Dans La Licorne (1970), une de ses premières œuvres, l’artiste imagine une camisole surmontée d’une corne blanche très similaire au corset de La colonne brisée (1944) de Frida Kahlo. Cette œuvre très ambiguë signe un premier autoportrait performatif à la sémantique complexe et savante qui détourne l’iconographie médiévale de la licorne, symbole de pureté et de chasteté. La même année l’artiste conçoit Pencil Mask, un masque camisole criblé de crayons dans lequel elle s’enferme, non sans humour, pour dessiner avec sa tête.

Très vite, Rebecca Horn commence à réaliser les étonnantes sculptures prothétiques qu’elle met en scène sur son propre corps et qui seront sa signature. À mi-chemin entre objets surréalistes et parures sophistiquées, les sculptures effacent les frontières entre le corps humain et les machines, entre l’homme et le règne animal. Rebecca Horn commence à fabriquer des parures hybrides comme Feather fingers (1972), une prothèse érotique zoomorphe réalisée avec des plumes et Finger gloves (1972), d’inquiétants gants proto cybernétiques de 90 cm de long.

Dans les années 1980-1990, Rebecca Horn commence à réaliser des sculptures cinétiques. Les objets cinétiques de Rebecca Horn s’affranchissent progressivement du corps de l’artiste pour devenir des sculptures autonomes. Kiss of the Rhinoceros (1989), exposée à la Biennale de Venise en 2022, est une sculpture cinétique qui évoque à la fois un objet rituel et un instrument chirurgical entre attraction et répulsion. Dans Rêve de champagne d’une biche ivre morte (1988), acquis par le Centre Pompidou en 2005, l’artiste rend un hommage à La mariée mise à nu par les célibataires de Marcel Duchamp à travers une œuvre ubuesque et humoristique.

Rebecca Horn a aussi réalisé des œuvres monumentales qui explorent les mêmes obsessions à grande échelle comme Concert of Anarchy (Piano) (1990), un piano suspendu au plafond qui vomit toute sa mécanique devant les spectateurs, actuellement conservé à la Tate Modern. L’artiste a également conçu des installations moins connues sur la Shoah dont le très émouvant Konzert für Buchenwald (1999), un concert silencieux de centaines de guitares alignées au sol en mémoire des victimes.
 

Rebecca Horn, Performances 2, 1973

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