Longtemps éclipsé par les figures marquantes de l’architecture moderne comme Le Corbusier ou Mies Van der Rohe, Robert Mallet-Stevens fut pourtant l’un des architectes français les plus doués de sa génération, malgré la brièveté de son œuvre.
Issu de la bourgeoisie, fils d’un expert en tableaux français et d’une mère belge – d’où ce nom double – Mallet-Stevens n’œuvrera que dans le domaine de la construction de luxe, restant à l’écart des grands débats sur le logement de masse et les questions urbaines. Le jeune architecte devra toutefois patienter avant d’accéder à la commande et au chantier. Jusque dans les années 1920, il se contentera de travaux de décoration et d’aménagement intérieur et de quelques décors pour le cinéma, notamment pour le réalisateur avant-gardiste Marcel L’Herbier (ill. 14 à 16). À trente-sept ans, Mallet-Stevens décroche enfin son premier contrat d’architecte. Le vicomte Charles de Noailles, qui souhaite se faire construire une villa dans le Midi, fait appel à lui après avoir approché Mies Van der Rohe (ill. 6) et Le Corbusier (ill. 6). L’un n’est pas libre, l’autre ne convainc pas. Rompant avec la tradition néoprovençale, Mallet-Stevens conçoit un jeu de volumes emboîtés, dans un site enchanteur (ill. 20 à 24). Mais pressé par le temps et contraint par l’indisponibilité de toute entreprise capable de réaliser le béton, Mallet-Stevens en oublie le vieux principe de « vérité » de l’architecture, et bâtit des murs traditionnels dissimulés sous un enduit peint. Qu’importe ! Sa carrière est d’ores et déjà lancée et l’architecte est sollicité pour des projets pour les couturiers Paul Poiret et Jacques Doucet, puis pour l’industriel roubaisien Paul Cavrois.
La rue Mallet-Stevens : un manifeste de l’architecture moderne
Il bénéficie alors de l’incroyable opportunité de lotir une impasse parisienne, qui porte désormais son nom. Celle-ci est inaugurée en grande pompe en 1928 : elle est alors considérée comme un manifeste de l’architecture moderne à Paris (ill. 8 à 12, 17). Mais la crise économique, qui sévit à la fin des années 1920, sonne le glas de cette vitalité architecturale. Dans les années 1930, l’architecte participe en vain à des concours publics. Son œuvre ne s’étoffera guère plus. Mort peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Mallet-Stevens n’aura pas la postérité des autres pionniers du modernisme. Trop formaliste, trop élitiste… jugeront les historiographes du Mouvement moderne. Cet homme élégant aura pourtant participé avec brio à cette brève euphorie des années folles, livrant de séduisantes villas aux lignes épurées, commandées par de riches amateurs de modernité, fascinés comme l’architecte par l’automobile et l’aviation naissante.
1886 : Naissance à Paris.
1905 : Entrée à l’École spéciale d’architecture de Paris.
1912 : Première exposition de ses travaux dans le cadre du Salon d’automne.
1923 : Charles et Marie-Laure de Noailles lui commandent la construction de leur villa à Hyères.
1924 : Création des décors du film L’Inhumaine de Marcel L’Herbier.
1925 : Participation à l’Exposition des arts décoratifs. Il y élève le pavillon du tourisme.
1926 : Lancement du chantier de la rue Mallet-Stevens, à Paris (XVIe).
1929 : Membre fondateur et premier président de l’Union des artistes modernes. Paul Cavrois lui commande la construction de sa villa à Croix (Nord).
1937 : Participation à l’Exposition internationale de Paris.
1945 : Mort à Paris le 8 février, des suites d’une maladie.
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Mallet-Stevens architecte
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Abonnez-vous dès 1 €De luxueuses villas Les œuvres les plus marquantes de Mallet-Stevens lui ont été commandées par des mécènes éclairés : Charles de Noailles pour sa villa de Hyères (ill. 20, 24), le couturier Paul Poiret pour qui l’architecte bâtit le « château » (ill. 3) de Mézy, ou encore l’industriel du textile Paul Cavrois (ci-dessus, ill. 1, 2). La maison de campagne construite pour ce dernier constitue le point d’aboutissement des recherches menées précédemment : rapport avec le paysage, jeu de volumétrie, soin apporté aux détails, équipements modernes dont une piscine en plein air (ill. 25). Pourtant, la villa a été laissée à l’état d’abandon pendant de longues années avant de faire l’objet d’un classement d’office en 1990. Après un rachat par l’État en 2001, une première tranche de travaux a enfin pu être engagée fin 2003.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°569 du 1 mai 2005, avec le titre suivant : Mallet-Stevens architecte