Biennale

Le nouveau visage de la Biennale

Par Harris Gareth · Le Journal des Arts

Le 26 mai 2009 - 1002 mots

La 53e Biennale de Venise innove en transformant l’ancien Pavillon italien en « Palais des expositions » et accueille de nouveaux pays tels les Émirats arabes unis

La 53e édition de la Biennale des arts visuels de Venise arrive avec son lot de nouveautés, dont un nombre record de pays participants (77 nations) et le remodelage du Pavillon italien (lire le JdA no 291, 14 nov. 2008, p. 7). Elle est également plus rétro que les années précédentes : le Pavillon italien, par exemple, s’inspire du futurisme fondé en 1909. L’exposition « Making Worlds » (Construire des mondes), proposée par le directeur artistique de la Biennale 2009, Daniel Birnbaum (lire le JdA no 301, 17 avr. 2009, p. 4), comprend onze artistes disparus (parmi lesquels des membres du collectif avant-gardiste japonais Gutaï). Un geste qui n’a pas fini de surprendre certains critiques – même si l’exposition de la Biennale 2007, conçue par Robert Storr, « Think with the Senses, Feel with the Mind », incluait déjà six artistes décédés. « La 53e Exposition internationale d’art présentera les œuvres de plus de 90 artistes venus de tous les continents […] ; elle explorera de nouveaux espaces où l’art pourra s’épanouir en dehors du contexte institutionnel et au-delà des attentes du marché de l’art. L’accent placé sur le processus créatif et sur le travail en cours n’exclura pas une exploration de la richesse visuelle », assure Daniel Birnbaum.

« Déconstruire les clichés »
Fort d’avoir accueilli l’exposition principale de la Biennale ces dernières années, le Pavillon italien, situé dans les jardins, a été rebaptisé « Palais des expositions » et transformé en lieu multifonctionnel. Une aile récemment réaménagée abrite désormais la bibliothèque des Archives historiques des arts contemporains (ASAC), autrefois installée dans les Ca’ Corner della Regina. La rénovation, pour un coût de 2,5 millions d’euros, a été financée par la Biennale elle-même. Lors de l’édition 2007, les Italiens s’étaient offert un espace discret à l’Arsenal, baptisé « Padiglione Italia ». Y est présentée cette année « Hommage à F. T. Marinetti », une exposition organisée par Luca Beatrice et Beatrice Buscaroli. Vingt artistes contemporains italiens, parmi lesquels Sandro Chia, y exposent de nouvelles œuvres inspirées par le futurisme. « Tous les langages de l’art contemporain tiennent leur origine du futurisme », avance Luca Beatrice. « Le pavillon italien de cette année devrait être encore mieux car il est plus grand [sa surface est passée de 800 à 1 800 m2]. Les artistes italiens sont placés au cœur du débat sur l’art contemporain dont ils ont été exclus ces dernières années », ajoute-t-il. Le lieu donne sur le jardin des Vierges, un espace vert agrandi qui accueille les œuvres de Lara Favaretto et Dominique Gonzalez-Foerster, entre autres, et qui est accessible par un nouveau pont reliant l’Arsenal au reste de la ville – la passerelle a été construite en lieu et place d’un pont détruit en 1800.
Autre particularité, la Biennale s’offre une double ration d’art en provenance des Émirats arabes unis (EAU). Leur pavillon national, situé à l’Arsenal, est décrit comme « la contribution officielle du pays », tandis qu’Abou Dhabi, la capitale des Émirats, est représentée par l’Autorité pour la culture et le patrimoine d’Abou Dhabi (ADACH) via la « Plateforme pour les arts visuels ». Abou Dhabi et les Émirats se sont chacun offert les services d’un commissaire de réputation internationale. L’Iranien Tirdad Zolghadr, co-commissaire de la Biennale de Sharjah en 2005 pour les Émirats, et la Française Catherine David, directrice de la Documenta à Cassel en 1997, pour Abou Dhabi. « Le titre du pavillon, “Ce n’est pas vous, c’est moi”, pourrait être interprété ainsi : “Regardez, c’est au tour des Émirats maintenant.” Le pavillon […] peut être envisagé comme une réflexion sur la conception d’une exposition dont le fondement même est de mettre en scène une nation », explique Tirdad Zolghadr. Le pavillon – où sont exposées notamment les œuvres de Lamya Gargash, Hassan Sharif, Tarek Al-Ghoussein et Huda Saeed Saif – est financé par la Fondation des Émirats ainsi que l’Autorité pour la culture et les arts de Dubaï. La « Plateforme » d’Abou Dhabi est, elle, financée par l’ADACH, dans un solide esprit de compétition vis-à-vis de à leurs homologues de Dubaï – une rivalité digne de celle qui partageait les principautés allemandes au XVIIIe siècle. « La “Plateforme” n’a rien à voir avec le pavillon des Émirats, insiste Catherine David. L’histoire de la région est complexe. Mon premier souci est de déconstruire les clichés. Il ne s’agit pas simplement de sable et de pétrole. » Parmi les artistes représentés, citons le photographe français Philippe Chancel. « Il y a cette année un nombre sans précédent d’artistes venus du Moyen-Orient au sens large », commente Jemima Montagu, commissaire du « Divan est-ouest : art contemporain d’Afghanistan, du Pakistan et d’Iran ». « Notre exposition espère défier les images stéréotypées de ces pays en exposant de l’art contemporain qui sonde le riche patrimoine artistique de la région », ajoute- t-elle. Celle-ci est en partie financée par l’organisation Turquoise Mountain basée à Kaboul. Mais où sont passées l’Afrique et l’Inde ? « Cette année, l’Égypte, le Maroc et le Gabon sont présents. L’Afrique est absente : sa présence en 2007 était l’œuvre du commissaire de la Biennale Robert Storr, tandis que la dernière venue de l’Inde remonte à 1982. Les efforts répétés de ces dernières années n’ont rien donné », rappelle le président de la Biennale, Paolo Baratta.

53e BIENNALE DE VENISE, du 7 juin au 22 novembre, Giardini della Biennale et Arsenale, Venise, tél. 39 041 5218711, 10h-18h, Giardini fermés le lundi (excepté le 8 juin et le 16 novembre), Arsenale fermé le mardi (excepté le 9 juin et le 17 novembre), www.labiennale.org

Nouveaux participants

L’Autorité pour la culture et le patrimoine d’Abou Dhabi, « Plateforme pour les arts visuels »
Divan est-ouest, art contemporain d’Afghanistan, du Pakistan et d’Iran
Palestine c/o Venise
La Principauté de Monaco
La République du Gabon
L’Union des Comores
Les Émirats arabes unis

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°304 du 29 mai 2009, avec le titre suivant : Le nouveau visage de la Biennale

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