Disparition

Etel Adnan, une vie entre Orient et Occident

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 24 novembre 2021 - 480 mots

La peintre et poétesse libanaise est décédée à Paris le 14 novembre, à l’âge de 96 ans. Etel Adnan avait construit une œuvre protéiforme où l’art et l’écriture se nourrissaient mutuellement.

Paris. Née à Beyrouth d’une mère grecque et d’un père ottoman, Etel Adnan (1925-2021) a été marquée par la lumière et la mer Méditerranée dès son enfance. Elle commence le dessin dans les années 1950 après une formation à Paris où elle fréquente les avant-gardes (Paul Klee, Vassily Kandinsky). Rapidement intégrée aux milieux intellectuels libanais à son retour, elle part pourtant aux États-Unis pour y terminer des études d’esthétique. Elle obtient un doctorat à Harvard et continue à écrire des poèmes pour des revues libanaises, avant de rentrer au Liban en 1970. Son œuvre littéraire et artistique se développe à cette période à travers des dessins lumineux, des toiles abstraites et surtout des leporellos [livres en accordéon] : Etel Adnan semble avoir trouvé dans cette forme hybride le support idéal. Inscriptions à l’encre noire, aplats de couleur délavés, jeux sur les feuilles en accordéon, ses œuvres explorent l’espace de la feuille blanche et jouent sur l’aspect pictural de l’écriture arabe. L’artiste ne parlait pourtant pas cette langue, ayant été élevée dans une famille où seuls le grec et le turc étaient parlés. De retour en Californie pendant la guerre civile libanaise, elle fonde en 1982, avec sa compagne Simone Fattal, la société d’édition The Post-Apollo Press, qui publie des textes poétiques et militants (féminisme, luttes anticoloniales). L’exposition que le LaM (Villeneuve-d’Ascq) a consacrée à cette œuvre en 2019 montrait combien les engagements politiques et artistiques d’Etel Adnan s’entrecroisaient sans cesse, à cheval entre Amérique, Europe et Moyen-Orient.

Une reconnaissance de son vivant

C’est notamment par l’entremise du commissaire Hans Ulrich Obrist que l’œuvre d’Etel Adnan a bénéficié d’une nouvelle visibilité à partir du milieu des années 2000, comme en 2012 à Documenta 13 (Cassel), puis en 2014 au Mathaf de Doha (Qatar) et à la Serpentine Gallery (Londres) en 2016. Auparavant, la galerie libanaise Sfeir-Semler lui avait consacré une exposition solo en 2011. Les œuvres d’Etel Adnan sont présentes aujourd’hui dans de nombreux musées, dont l’Institut du monde arabe (Paris) suite à la donation Claude et France Lemand, qui compte plusieurs dizaines de dessins et leporellos de l’artiste. L’institution parisienne lui avait consacré une rétrospective à l’automne 2016.

Outre sa place incontournable dans l’histoire de l’art arabe moderne, il faut souligner l’importance des écrits d’Etel Adnan : dès 2003, la revue américaine Melus estimait que la peintre était « la plus célèbre et la plus douée des écrivaines arabo-américaines vivantes ». Aux États-Unis en particulier, ses romans et poèmes ont reçu de nombreuses distinctions ces dernières années. En France, Etel Adnan avait été faite Chevalier des arts et lettres en 2014 par François Hollande. Ses œuvres seront visibles jusqu’en février 2022 au sein de l’exposition « Écrire, c’est dessiner » au Centre Pompidou-Metz.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°578 du 26 novembre 2021, avec le titre suivant : Etel Adnan, une vie entre Orient et Occident

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