Xavier Bertrand, le nouveau président des Hauts-de-France commente les grandes lignes de son plan d'action pour la culture.
Xavier Bertrand (52 ans, LR), ex-maire de Saint-Quentin, est président de la nouvelle région des Hauts-de-France depuis janvier 2016. Auparavant il avait été ministre de la Santé sous le gouvernement Villepin et ministre du Travail sous le gouvernement Fillon. Il a présenté le 31 janvier le programme culturel de la région, marqué par une augmentation significative du budget.
Vous avez annoncé lors de la présentation de la nouvelle politique culturelle de la région, un forum permanent de discussion. Quelle forme prendra-t-il ?
J’ai fait une campagne « à portée d’engueulade », et les gens ne se sont pas privés de m’interpeller ; je veux rester « à portée d’engueulade. » J’ai donc souhaité la mise en place de cette « agora démocratique culturelle » pour permettre à chacun d’interpeller directement la région sur ses engagements et ce avant l’été. Il y aura deux cercles. L’un composé principalement d’une vingtaine d’acteurs culturels à l’origine de la publication d’un livre blanc lors des élections régionales, et un autre qui a vocation à rassembler deux fois par an tous les acteurs de la région. Cela va être l’occasion d’un échange démocratique direct, et la garantie que rien ne se fera dans des cercles restreints : ni fait du prince politique, ni rigidité administrative. On fera des points d’étape réguliers sur la mise en place du dispositif.
Comment cela se traduit-il dans les budgets ?
Par une très forte augmentation, puisque le budget culture passe à 83 millions d’euros cette année, contre 70 millions en 2016. J’ai pris l’engagement de le porter à 110 millions pour la dernière année du mandat. Je me suis aperçu en arrivant à la région que maintenir un budget n’était pas suffisant. Je reconnais que ce n’était pas mon idée première, mais je me suis laissé convaincre. Pour redonner du dynamisme à notre région, il faut se battre pour l’emploi, l’éducation mais aussi la culture. Nous sommes les premiers à faire un tel effort, j’aimerais qu’on ne soit pas les seuls. Et je m’adresse à mes collègues des autres régions : j’ai des contraintes budgétaires et je dois faire des économies, mais si c’est possible ici, ça l’est dans d’autres régions. Ce n’est pas si compliqué que cela, et je ne pars pas d’une page blanche. Il y a beaucoup de réussites sur le territoire et pas seulement à Lille.
Où allez-vous allouer ces nouveaux moyens ?
Je suis dans une logique de « coconstruction », je ne veux donc pas flécher moi-même les financements. Cela dépendra donc des projets. Il nous faut des projets nouveaux et aller dans les « zones blanches ». Par exemple, il nous faut un nouveau projet photo très ambitieux pour la région. Mais je veux être très clair : ces moyens financiers nouveaux n’ont pas vocation à être la caisse de compensation des autres acteurs. Chacun sa responsabilité : si l’État ou un Département se retire, la région ne sera pas là pour compenser. Dans le même temps, le conventionnement avec les structures culturelles sera dorénavant pluriannuel, sur six ans, avec clause de revoyure au bout de trois ans. Il s’agit de leur offrir une sécurité financière et budgétaire, et une visibilité sur le long terme.
Allez-vous privilégier les artistes locaux comme le recommandait le Front national (FN) pendant la campagne des élections régionales ?
En matière de politique culturelle, je ne crois pas avoir de leçon à recevoir du Front national ! Pour eux, culture rime avec censure ! Lors des premières réunions, les élus FN ont demandé que l’on coupe les subventions à certains festivals qui déclamaient des poèmes d’Aragon « beaucoup trop crus. » Moi je suis pour la promotion de la culture, pas pour la censure ! On a vraiment une vision diamétralement opposée. Nos financements sont ouverts à tous les artistes, et pas seulement à ceux des Hauts-de-France. Je souhaite créer un label qui soit un étendard national pour les initiatives régionales.
Pouvez-vous préciser votre mesure concernant l’offre gratuite ?
Je veux ouvrir les lieux culturels au grand public, en faisant en sorte que le prix ne soit pas un frein à la découverte. Nous flécherons un nombre de places pour des concerts, des représentations théâtrales, des expositions, dont certains seront accessibles au prix symbolique d’un euro. Une plate-forme va être créée pour que les habitants puissent réserver ces places. J’encourage aussi des prix accessibles comme à La comédie de Picardie, ou au Phénix à Valenciennes, qui ont des offres de trois représentations pour 18 euros au total.
Que pensez du pass culturel du candidat Macron qui reprend l’initiative de Mattéo Renzi en Italie ?
L’idée du pass c’est bien sur le papier, mais dans la réalité c’est différent. Vous habitez par exemple dans une zone blanche, vous faites quoi de votre pass ? Par ailleurs, il ne faut pas oublier que ce pass est financé par une taxe. Faire payer les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon, ndlr) ne dérange personne, mais au final si c’est une taxe sur les tablettes, non merci. Être généreux avec l’argent des Français, je ne marche plus là-dedans. Je vois bien l’idée, c’est une opération de communication, mais cela concernerait principalement ceux qui ont déjà accès à la culture. Pour la région, l’enjeu est d’aller chercher les nouveaux publics.
Allez-vous conserver les deux Fracs, l’un à Dunkerque, l’autre à Amiens ?
Oui bien sûr, il nous faut deux lieux. Mais j’ai demandé aux deux directeurs de réfléchir à des pistes de mutualisation possible. Nous sommes en train d’aider le Frac Amiens à traverser une mauvaise passe financière, et nous réfléchissons à un nouveau lieu avec Amiens Métropole.
Quelle est votre analyse du Louvre-Lens ?
Il faut le relancer. Il connaît le même sort que beaucoup d’établissements nationaux qui ont ouvert en même temps, comme le Centre Pompidou-Metz, qui rencontre des difficultés plus importantes encore. L’objectif était d’atteindre 500 000 entrées, nous sommes à 446 000, au troisième rang des musées en région. C’est bien, mais c’est encore insuffisant. Le Louvre-Lens manque de visibilité. J’ai rencontré la directrice assez longuement, nous avons ensemble réfléchi à des pistes pour relancer l’attractivité du Louvre-Lens, le rendre plus visible sur le territoire, mais aussi nationalement et internationalement. On a un travail à mener avec le comité régional du tourisme, avec les hôteliers. J’entends rencontrer Monsieur Martinez, le directeur du Louvre. Nous avons besoin de l’aide du Louvre. Il faut bien évidemment qu’il y ait des œuvres emblématiques, prestigieuses du Louvre. Nous finançons 9,9 millions sur les 14,3 du fonctionnement, soit près de 70 %.
Allez-vous participer au financement de la construction des réserves du Louvre, très contesté au conseil régional ?
J’ai accepté de confirmer la participation de la région aux réserves du Louvre, mais en revoyant notre participation à la baisse. Il était demandé à la région 15 millions, ce sera 5 millions et les 10 millions restants seront réaffectés dans de nouveaux projets. J’ai aussi obtenu la garantie que les musées régionaux puissent utiliser les réserves, et que nous réfléchissions à une filière de transport des œuvres.
Il y a un déséquilibre culturel entre les deux anciennes régions. Allez-vous corriger ce déséquilibre ?
J’essaye d’avoir un regard lucide. Que l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais, avec 4 millions d’habitants, contre 2 millions en Picardie, dispose de plus d’équipements culturels n’est pas anormal. Je ne veux pas rééquilibrer pour rééquilibrer. Ma boussole, c’est l’intérêt général. Si nous avons un nouveau bon projet, peu importe qu’il soit en Picardie ou en Nord-Pas de Calais, il n’y a pas de règle à calcul.
Le Nord-Pas de Calais bénéficie d’un réseau unique de musées de grande qualité. Envisagez-vous une manifestation régionale fédératrice du type Normandie Impressionniste ?
Il y avait un dispositif « région des musées », qui avait pour but de fédérer les musées de la région, mais cela ne marchait pas suffisamment bien et il avait été suspendu. Nous allons le réinventer. Comment faire ? Cela fait partie des axes de travail. Je voudrais démarrer dès l’an prochain. Sans doute avec le thème « Hauts-de-France, terre de destination. »
Vous n’avez pas une image d’homme politique versée dans la culture, est-ce un handicap ?
Oui c’est vrai, je reste un politique de droite pas toujours identifié comme porté sur les questions culturelles. Mais je suis une « éponge », j’écoute beaucoup avant de décider, et j’essaie de comprendre et d’apprendre vite. Je veux créer de la confiance avec les acteurs culturels de la région. Avec cette confiance, nous pourrons réussir. La culture c’est de l’économie, de l’emploi, mais c’est d’abord la création, la liberté, et ce que cela apporte aux habitants de la région. Je ne veux pas ramener la culture à une vision utilitaire. Le jour où il y a un revirement budgétaire, c’est la culture qui en fait les frais. Il faut casser toute possibilité du retour en arrière.
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Xavier Bertrand : « Je veux dynamiser la région grâce à la culture »
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Abonnez-vous dès 1 €Xavier Bertrand. © C.R. Hauts-de-France.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°474 du 3 mars 2017, avec le titre suivant : Xavier Bertrand : « Je veux dynamiser la région grâce à la culture »