Grand emprunt

Une numérisation du patrimoine à pas comptés

En deux ans, un dixième des 750 000 millions d’euros prévus pour la numérisation du patrimoine a été dépensé par le Commissariat général à l’investissement .

Le Journal des Arts

Le 9 mai 2012 - 730 mots

Depuis la fin de l’année 2009, le Commissariat général à l’investissement subventionne, à l’aide des fonds du grand emprunt, la numérisation du patrimoine des musées, bibliothèques et archives cinématographiques. Ce travail laborieux et complexe est assorti d’une obligation de rentabilité.

PARIS - Décembre 2009: le président Nicolas Sarkozy annonçait que 750 millions d’euros issus du grand emprunt seraient alloués à la numérisation du patrimoine des musées, bibliothèques et archives cinématographiques. Deux ans plus tard, le Commissariat général à l’investissement tourne à plein régime, et sélectionne les « investissements d’avenir » sur une enveloppe globale de 35 milliards d’euros, issue du grand emprunt. 4,5 milliards ont été alloués à l’« économie numérique », dont 2,25 milliards d’euros au soutien des usages, services et contenus numériques innovants : c’est dans cette sous-partie qu’il faut aller chercher la valorisation et la numérisation des contenus culturels, financées par le Fonds national pour la société numérique (FSN).

L’année 2010 a été consacrée aux appels à projet des acteurs du numérique et des collectivités. Deux types de financements ont été envisagés : la subvention et l’investissement, dans des perspectives sensiblement différentes. Donnée primordiale : le cadrage de la mission du Commissariat inclut la notion de rentabilité, ce qui signifie que les investissements engagés doivent avoir des retombées économiques. Les projets de numérisation ont donc l’obligation de proposer un modèle économique viable, pas nécessairement à court terme. En 2011, des accords-cadres ont vu le jour, préparant le terrain à des financements effectifs, à l’issue de discussions complexes. L’exemple des archives cinématographiques est à ce titre révélateur. Les détenteurs de catalogues de films y ont vu tout le potentiel : lors du Festival de Cannes 2011, un accord-cadre accepté, entre autres, par les entreprises Europa Corp, Gaumont, Pathé et le SNC, portait sur la numérisation d’au moins mille longs-métrages, dont le FSN financera une quote-part en contrepartie d’un pourcentage sur les futures recettes de diffusion.

Gaumont est le premier bénéficiaire des financements du FSN, grâce à un accord signé le 20 mars 2012. Un peu moins d’un an a été nécessaire pour évaluer le catalogue proposé, pour mettre en place une clause de flexibilité et pour fixer la hauteur de la quote-part et des recettes reversées. Au total, 270 films seront restaurés et numérisés grâce à un investissement de 10 millions d’euros sur quatre ans. « On ne vise pas que les gros catalogues. Dès lors qu’il y a un modèle économique, les entreprises peuvent venir avec leur projet, que l’on étudie sans distinction », explique-t-on au Commissariat. Les discussions sont toujours en cours avec d’autres sociétés, en attendant « une signature très prochaine ». Pour les archives de cinéma dont la rentabilité n’est pas avérée mais dont l’intérêt patrimonial est manifeste, comme les films muets et les courts-métrages, le CNC a lancé un dispositif parallèle.

Les bibliothèques
Du côté de la numérisation des bibliothèques, la Bibliothèque nationale de France a créé une filiale, « BNF Partenariats », dotée par le FSN de 10 millions d’euros, une dotation allouée après des discussions sur le corpus choisi et la validité des modèles économiques, le choix des entreprises privées choisies pour la numérisation revenant à la BNF. Les catalogues à numériser ont été soumis à des impératifs de rentabilité similaires à ceux du cinéma. Au programme des investissements d’avenir, le Commissariat mise sur la recherche et le développement des logiciels de numérisation, de traitement de l’image et de diffusion. En décembre 2011, il a sélectionné dix-huit « projets innovants » pour une subvention globale de 30 millions d’euros accordée à des PME et à des projets coopératifs. Une deuxième sélection devrait être annoncée en mai.

Par ailleurs, le Centre Pompidou devrait recevoir un financement de 8 millions d’euros du FSN pour accélérer la numérisation de ses collections au titre du « Centre Pompidou virtuel », le futur nouveau site Internet du musée, sur un budget estimé à 12 millions d’euros (le reste de la somme étant en majeure partie issue du mécénat). Sur les 750 millions d’euros annoncés en 2009, un dixième seulement de la somme a été dépensé : au Commissariat, on estime qu’il est encore trop tôt pour faire les comptes, au regard de programmes dont la portée s’étale sur une dizaine d’années. Les appels à projets sont encore en cours, d’autres à peine ébauchés, dans un secteur où la technologie évolue sans cesse. Les chantiers ne manquent pas.

Légende photo

Dans les ateliers de numérisation de la Bibliothèque nationale de France - Photo David-Paul Carr/BnF

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°369 du 11 mai 2012, avec le titre suivant : Une numérisation du patrimoine à pas comptés

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