Une foire sept-étoiles

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 12 novembre 2008 - 783 mots

Organisé du 18 au 20 novembre, Art Paris Abou Dhabi s’ouvre davantage aux exposants arabes et étrangers.

Après avoir pris ses marques en 2007, la foire Art Paris Abou Dhabi doit cette fois transformer l’essai. Pour cela, elle a gommé le côté « franchouille » qui lui collait à la peau, le contingent hexagonal ne représentant désormais qu’un tiers des exposants. La manifestation s’est légèrement étoffée, avec l’arrivée de onze marchands supplémentaires, parmi lesquels quelques guest stars comme Christoph Van de Weghe (New York), Jablonka (Berlin) ou Nächt St. Stephan (Vienne). « C’est une progression mesurée car le pays n’est pas capable d’accueillir une foire de cent galeries. Ce serait une aberration. Je ne veux pas tirer le rideau après deux éditions », indique Caroline Clough-Lacoste, codirectrice du salon.
Pour assurer sa pérennité, l’événement doit surtout confirmer son positionnement par rapport à Art Dubaï, organisée en mars. La qualité n’est pas nécessairement décoiffante dans l’émirat voisin, mais le visitorat se révèle d’un niveau bien supérieur grâce aux colloques orchestrés simultanément. Les deux foires se caractérisent par un commerce très modéré, porté à Dubaï par le flux des acheteurs indiens, et à Abou Dhabi par les dépenses de la famille royale. L’existence même de deux salons dans un territoire où l’art contemporain n’en est qu’à ses balbutiements peut surprendre. « Les foires ont aidé à changer les possibles malentendus sur l’art du Moyen-Orient et le monde arabe, défend Myrna Ayad, directrice des projets spéciaux pour la revue Canvas (Dubaï). C’est un avantage qu’il y ait une foire dans chaque émirat, chacune étant une “créature” culturelle unique. » Pour Caroline Clough-Lacoste, « la différence avec Dubaï se verra car [Art Paris Abou Dhabi] privilégie les galeries arabes, quatorze contre huit l’an dernier, et se recentre sur le moderne et contemporain classique. Notre objectif est toujours le même : développer un marché et un intérêt régional. »
Le distinguo vient surtout des ambitions des deux émirats. « Abou Dhabi essaye de créer une nation, mieux, une région, Dubaï seulement une ville », souligne Farbod Dowlatshahi, partenaire de la galerie B21 (Dubaï). Mathias Rastorfer, directeur de la galerie Gmurzynska (Zurich), ajoute en écho : « Dubaï est comme Las Vegas tandis qu’Abou Dhabi, c’est l’équivalent de Washington. C’est le lieu du pouvoir, mais aussi des futurs musées. Pour nous, il est plus important d’y être car nous visons le long terme. » Les galeries qui avaient avancé l’an dernier à tâtons commencent à affiner leur offre en espérant séduire les musées en construction. Gmurzyska revient avec des Sisley, Renoir et Van Dongen, mais aussi un Miró de 1920 et un stabile de Calder. Daniel Templon (Paris) se concentre quant à lui sur un one-man show de Jim Dine. Nächst St. Stephan joue la carte de la peinture abstraite, supposée plus ad hoc, avec Bernard Frize, Katharina Grosse ou Imi Knöbel. Après avoir cédé aux autorités une toile de Picasso en 2007, Patrice Trigano (Paris) est de retour avec une tête noire de Giacometti et un petit Picasso cubiste de 1911. Il prévoit aussi une section dédiée à Fouad Bellamine et Meriem Bouderbala, des artistes qu’il présentera prochainement en galerie. Éric Dupont (Paris) apporte pour sa part des vidéos de Yazid Oulab. On l’aura compris, chacun y va de ses créateurs du Moyen-Orient. Même Jean Brolly (Paris), lequel prévoit Mahjoub Ben Bella, un peintre qu’il ne présente pourtant pas en galerie.
Tous prient pour qu’Abou Dhabi soit relativement épargné par la crise financière internationale. La cuirasse n’est toutefois pas d’airain, et le ministère des Finances des Émirats arabes unis a dû injecter 6,8 milliards de dollars (5,3 milliards d’euros) pour aider son système bancaire fragilisé. Ce qui reste néanmoins bien loin des 700 milliards de dollars que l’Amérique devra débourser pour sauver son économie ! « Aucun de nos collectionneurs n’est directement touché, mais tout le monde est inquiet, admet Claudia Cellini, codirectrice de The Third Line (Dubaï). Je crois que l’on va revenir à une certaine frugalité. Les gens ne vont pas faire des dépenses somptuaires. » Aussi le succès de la foire dépendra-t-il plus que jamais des achats institutionnels. « La famille royale et les industriels locaux sont conscients qu’en l’absence de transactions les exposants ne reviendront pas, donc ils vont nous soutenir à nouveau », souligne Caroline Clough-Lacoste. Avant de conclure : « Qu’il y ait une crise maintenant et que les choses repartent dans deux ans, ça ne va pas arrêter leur stratégie de positionnement culturel ! »

ART PARIS ABOU DHABI

- Organisation : Caroline Clough-Lacoste, Henri Jobbé-Duval, Laure d’Hauteville
- Nombre d’exposants : 57
- Tarif des stands : 500 euros le mètre carré
- Nombre de visiteurs en 2007 : 9 800

ART PARIS ABOU DHABI

Du 18 au 21 novembre, Emirates Palace, Abou Dhabi, Émirats arabes unis, www.artparis-abudhabi.com, les 18, 19 et 20 novembre 15h-22h, le 21 novembre 15h-20h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°291 du 14 novembre 2008, avec le titre suivant : Une foire sept-étoiles

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