Esquisse d’un projet inédit

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 12 novembre 2008 - 944 mots

La création du Louvre-Abou Dhabi est entrée dans sa phase opérationnelle. Les équipes de France-Muséums s’affairent pour une ouverture fin 2013.

Rue Bachaumont (Paris-2e), dans les nouveaux locaux de l’Agence France-Muséums, c’est désormais une véritable équipe de musée qui s’affaire à concevoir le futur musée du Louvre-Abou Dhabi, dans les Émirats arabes unis. Négocié pour 1 milliard d’euros par les autorités françaises en 2006, le musée sera l’un des maillons du nouveau district culturel de l’île de Saadiyat – « l’île du Bonheur » –, située à 500 mètres des côtes de l’émirat. Y seront également bâtis un « Musée maritime » dessiné par Tadao Ando, un « Centre des arts » esquissé par Zaha Hadid, une antenne du Musée Guggenheim conçue par l’inoxydable Frank Gerhy et un musée dédié aux arts et traditions d’Abou Dhabi, échu à Norman Foster. Dans un tel contexte, autant dire que cette vitrine du savoir-faire français en matière de musées se doit être d’être une réussite.
Autour de Bruno Maquart, directeur général de France-Muséums depuis sa création en juillet 2007, a donc été composée une équipe de vingt-sept personnes parmi lesquelles six conservateurs pilotés par Laurence des Cars, venue du Musée d’Orsay en août 2007, et sept assistants scientifiques, mais aussi un régisseur ou une petite équipe consacrée aux publics. La question des publics constitue d’ores et déjà un enjeu majeur pour le futur musée, construit dans un pays où le paysage muséal était jusque-là quasiment inexistant. Une première étude, destinée à connaître les comportements culturels des Émiratis – qui ne constitueront toutefois pas les seuls visiteurs –, a déjà été lancée. Elle laisse apparaître une appétence très forte pour le cinéma. Le Louvre-Abou Dhabi fera donc une large place, dans sa muséographie, à l’image. Une proposition spécifique sera également élaborée en direction des enfants, avec un travail de formation à la médiation piloté par la Sorbonne-Abou Dhabi, laquelle s’est ouverte sur place à l’automne 2006.

La liste en 2010
L’agence travaille donc déjà sur tous les fronts. Il faut en effet aller vite pour livrer en 2013 un musée conçu ex nihilo dans son architecture et son contenu, conformément à l’accord signé le 6 mars 2007 entre les autorités françaises et émiraties. Cet accord précise le calendrier de l’opération et la liste des 327 missions à remplir. « C’est un processus en continu, précise Bruno Maquart, le projet ne connaît pas d’à-coups. Hors aléas, les délais seront tenus. Les portes du musée seront ouvertes fin 2013. » Le défi est pourtant colossal à relever, car il faut inventer un nouveau type de musée et le couler à l’intérieur d’un projet architectural préexistant, celui de Jean Nouvel. Bruno Maquart se veut confiant, l’Agence France-Muséums assurant un rôle d’assistance à la maîtrise d’ouvrage : « Notre rôle est de veiller à ce que le Louvre-Abou Dhabi réponde aux plus hautes exigences tant scientifiques que techniques. C’est l’âme même de notre travail quotidien avec nos partenaires émiratis comme avec les Ateliers Jean Nouvel. » Les travaux devraient débuter en 2010.
De son côté, l’équipe scientifique s’attelle au gros morceau : rendre intelligible le propos très ambitieux de « musée universel ». En avril 2008, les autorités d’Abou Dhabi ont validé la première version des 650 pages du projet scientifique et culturel (PSC). Étant donné l’ampleur de la tâche, sa rédaction s’effectue en quatre étapes. Une seconde mouture sera remise fin 2008, suivie de deux autres en 2009 et 2010, ces dernières contenant la liste précise des œuvres prêtées par les musées français. Le PSC détaille le scénario d’un musée bâti autour de 300 œuvres sur 6 000 mètres carrés, l’équivalent d’un plateau du Centre Pompidou, et racontant l’histoire de l’art des origines à nos jours. Rien de moins qu’une tentative de matérialiser le « musée imaginaire » d’André Malraux, un musée universel mais pas encyclopédique. « C’est la première fois que nous concevons un projet scientifique et culturel non pas en cherchant à donner une cohérence à une collection préexistante mais en construisant une collection autour d’un propos scientifique et didactique », souligne Emmanuel Coquery, directeur scientifique adjoint. Le discours, qui se voudra didactique et pédagogique, sera articulé en quatre sections chronologiques, puis subdivisé en petites expositions thématiques qui seront renouvelées chaque année. Les œuvres, piochées dans les collections nationales françaises pour porter ce discours, y seront par ailleurs hiérarchisées et contextualisées.
La muséographie jouera donc un rôle crucial pour expliciter ce contenu aux multiples entrées. Le choix de l’équipe en charge de cet aspect comme de la signalétique et du multimédia sera annoncé d’ici à la fin de l’année. Une consultation a été lancée exclusivement auprès d’équipes françaises expérimentées dans le domaine des musées. La composition de la commission d’acquisition du musée devrait également être rendue publique prochainement. Elle comprendra des membres français et émiratis, qui bénéficieront des conseils prodigués par l’agence. Ses choix seront en effet déterminants pour permettre le retrait progressif des prêts français, consentis pour une durée de dix ans à un musée qui doit porter le nom du Louvre pendant trente ans. « Il faudra maintenir la signature du musée », reconnaît Bruno Maquart. 40 millions d’euros par an seront affectés à ces achats qui devront être sélectifs, le pays ne possédant aucune collection publique, hormis dans le domaine de l’archéologie. Restent encore bien des sujets à aborder, comme la programmation des quatre expositions temporaires organisées annuellement pendant quinze ans, mais aussi le profil du futur directeur de l’établissement. Personnalité internationale ou locale ? « Conformément à l’accord gouvernemental, le directeur du musée sera choisi d’un commun accord, un an avant l’ouverture de l’établissement », réplique Bruno Maquart. Le poste devrait pourtant faire l’objet d’âpres convoitises.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°291 du 14 novembre 2008, avec le titre suivant : Esquisse d’un projet inédit

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